Décors et matériaux. Impact environnemental, conception et fabrication, montage, conservation, déplacements, recyclage

Entretien
Opéra

Décors et matériaux. Impact environnemental, conception et fabrication, montage, conservation, déplacements, recyclage

Le 23 Sep 2021
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 144-145 - Opéra et écologie(s)
144 – 145
Dialogue à plusieurs voix, réalisé par Caroline Godart et Sylvie Martin-Lahmani avec Agathe Chamboredon (La Monnaie, Bruxelles), Sophie Cornet (La Monnaie, Bruxelles), Véronique Fermé (Festival d’Aix-en-Provence), Philippe Sagnes (Opéra National de Lyon) et Valentina Bressan (Opéra national de Paris).

Alter­na­tives théâ­trales : Quelles sont vos fonc­tions exactes et ont-elles un lien direct avec la ques­tion écologique ?

AC : Je suis direc­trice finan­cière à la Mon­naie depuis sep­tem­bre 2018. Mon départe­ment est entre autres en charge de la dura­bil­ité à la Mon­naie.

SC : Je tra­vaille dans l’équipe d’Agathe, où je suis en charge de la poli­tique de dura­bil­ité.

PS : Je suis directeur tech­nique à l’Opéra de Lyon, où je tra­vaille depuis dix-neuf ans.

VF : Je suis entrée en 2012 au Fes­ti­val d’Aix, en charge du développe­ment durable. Je tra­vaille égale­ment dans un col­lec­tif écore­spon­s­able en région PACA COFEES (Col­lec­tif des Fes­ti­vals Écore­spon­s­ables et Sol­idaires).  

VB : Je suis direc­trice tech­nique adjointe de l’Opéra nation­al de Paris. J’ai égale­ment un par­cours de scéno­graphe.

Alter­na­tives théâ­trales : Quelles actions pour l’environnement avez-vous pré­cisé­ment impul­sées ?

Atelier de peinture, Théâtre de la Monnaie, Bruxelles. Photo Matthijs Verstegen
Ate­lier de pein­ture, Théâtre de la Mon­naie, Brux­elles. Pho­to Matthi­js Ver­ste­gen

AC : Pour ma part, depuis deux ans et demi mon rôle dans cette mai­son con­siste à amen­er le comité de direc­tion à traiter la prob­lé­ma­tique écologique de manière trans­ver­sale, en don­nant l’impulsion, en faisant remon­ter les besoins des ser­vices. Tout cela prend un temps con­sid­érable ! Com­ment inté­gr­er ces nou­velles façons de tra­vailler dans nos modes de fonc­tion­nement ? Et avec quels moyens financiers ? Il faut décloi­son­ner les dif­férents ser­vices, les silos, pour tra­vailler ensem­ble. À ce titre, j’essaie de libér­er la parole des gens. Aujourd’hui, le comité de direc­tion est acquis : le développe­ment durable n’est plus un sujet un peu con­traig­nant ou embê­tant, mais une évi­dence !

SC : Mon rôle est plus proche de la mise en œuvre des pro­jets : je suis à l’interface des équipes et je gère cer­tains pro­jets moi-même, comme le cal­cul car­bone des pro­duc­tions, mis en place il y a un an. Ce sont essen­tielle­ment les équipes décors qui s’occupent de l’écoconception, mais je tâche de favoris­er le dia­logue entre les équipes, de les met­tre en réseau avec des parte­naires externes, de voir ce qui se passe ailleurs… Notre pro­jet évolue rapi­de­ment depuis l’arrivée d’Agathe. On n’est plus dans un sys­tème de ges­tion envi­ron­nemen­tale clas­sique, cen­tré sur le bâti­ment. Nous con­sid­érons la con­cep­tion des spec­ta­cles. Dans cette per­spec­tive, le cal­cul car­bone est un out­il déter­mi­nant car il per­met d’avoir une vision plus nette des enjeux et des pri­or­ités. Out­re l’écoconception, nous pou­vons con­sid­ér­er les trans­ports (aus­si bien des publics que des artistes).

PS : J’aime bien écouter les gens de Brux­elles parce qu’ils ont les mêmes soucis que nous ! Nos maisons ont d’ailleurs à peu près la même taille. Con­cer­nant ma fonc­tion, je me situe entre Sophie et Agathe : je crée la pos­si­bil­ité de faire des choses. Le pre­mier volet de notre tra­vail, c’est l’écoconception. Pour l’instant à Lyon, on développe un logi­ciel pour faire des scé­nar­ios de con­struc­tion : on pro­pose au logi­ciel plusieurs choix tech­niques pour con­stru­ire un élé­ment de décor et il nous donne un bilan selon des critères que nous définis­sons.

Au final, nos prin­ci­pales dif­fi­cultés sont liées à des prob­lèmes de temps – pas néces­saire­ment d’argent car nos pro­jets sont sou­vent rel­a­tive­ment bon marché. On manque par­fois de com­pé­tences aus­si. Le deux­ième volet, c’est le recy­clage. Nous tra­vail­lons avec plusieurs asso­ci­a­tions dont Les Con­nex­ions à Mon­téli­mar. Nous leur envoyons les plans des décors, ils nous dis­ent si ça les intéresse, et ils les reven­dent. Ain­si, tout est recy­clé. De plus, la Métro­pole de Lyon essaie de met­tre en place une Recy­clerie (Lyon a une mairie verte). L’idée est de dévelop­per un lieu qui per­me­t­trait à toutes les struc­tures, petites ou grandes, de pou­voir dépos­er leurs déchets et de se fournir en matière. On développe égale­ment un max­i­mum de choses sus­cep­ti­bles d’être réu­til­isées de spec­ta­cle en spec­ta­cle, ce qu’on appelle du matériel de réper­toire : moteurs, roulettes, escaliers, struc­tures, etc. On aug­mente ce réper­toire en per­ma­nence. En ter­mes de moyens financiers, le bilan sur dix ans est très posi­tif. Ces derniers temps, nous avons conçu un pro­jet européen, chez nous, qui inter­roge l’avenir de l’opéra : quelle forme pour­rait-il pren­dre dans le respect du développe­ment durable ?

VF : Mon rôle est le même que celui de Sophie, depuis 2012 au Fes­ti­val d’Aix. En explo­rant les pistes d’action, on s’est ren­du compte que le bilan car­bone avait ses lim­ites : d’abord parce que c’est un mon­ocritère, et ensuite parce qu’on sait que notre plus gros défi sera celui des déplace­ments que nous ne maîtrisons pas ! Je tra­vaille au sein du Fes­ti­val sur ce sujet et sur l’écoconception. Nous avons égale­ment été accom­pa­g­nés par un bureau d’étude extérieur et nous avons tra­vail­lé en col­lab­o­ra­tion avec d’autres acteurs de la fil­ière. J’ai per­son­nelle­ment organ­isé toute cette démarche et favorisé la mise en réseau. Au départ, l’essentiel du tra­vail sur la réduc­tion de l’impact envi­ron­nemen­tal était lié à la con­cep­tion des décors. Main­tenant, la direc­tion est passée à une démarche de réflex­ion interne, on pra­tique la RSE (« respon­s­abil­ité socié­tale des entre­pris­es », c’est-à-dire la con­tri­bu­tion des entre­pris­es aux enjeux du développe­ment durable, NDLR) qui oblige à la trans­ver­sal­ité. Les sujets sont donc abor­dés par tous les ser­vices à peu près de la même façon.

Nous avons aus­si com­mencé à dévelop­per un out­il pour con­va­in­cre du fait que l’écoconception avait un intérêt financier pour les struc­tures ! Cela per­met par exem­ple de voir que le liège est en fin de vie moins cher que le poly­styrène, même s’il est plus coû­teux à l’achat. On anticipe égale­ment la fin de vie d’un objet au moment de la con­cep­tion : que va-t-on faire des décors à la fin du fes­ti­val, en sachant qu’on a par­fois quinze jours pour dés­tock­er ? Ces change­ments de pra­tique vertueux nous ont notam­ment per­mis de créer un guide adap­té au fes­ti­val et d’envisager la fin de vie des décors. Dans cette logique, nous col­laborons avec une asso­ci­a­tion qui les récupère et leur donne une deux­ième vie. Au niveau région­al, on réflé­chit à une bourse aux décors. Ce n’est pas si sim­ple, car il faut prévoir des con­trats prenant en compte les droits d’auteur, le droit à l’image, etc.

VB : J’ai inté­gré l’Opéra de Paris en 2018, d’abord comme adjointe du directeur tech­nique de l’Opéra Bastille puis comme direc­trice tech­nique adjointe du Palais Gar­nier. J’ai pour mis­sion de « créer les con­di­tions de pou­voir faire », comme le dit Philippe. L’Opéra de Paris com­prend qua­tre sites : l’Opéra Bastille, un des plus grands au monde, le Palais Gar­nier, l’école de Danse de Nan­terre et les ate­liers Berthi­er. Le vol­ume et l’activité sont donc sans com­mune mesure avec les autres insti­tu­tions ici présentes. Ce qui donne par­fois le tour­nis ici, c’est la dimen­sion des bâti­ments et des pro­duc­tions, le nom­bre des con­teneurs, la jauge du pub­lic, le nom­bre de salariés et d’artistes, le nom­bre de représen­ta­tions et de pro­duc­tions… L’Opéra de Paris vient de chang­er de direc­tion et nous avons env­i­ron 1500 con­teneurs de pro­duc­tions stock­és. Nous pou­vons dés­tock­er une ving­taine de con­teneurs chaque année ! C’est un vol­ume con­sid­érable.

Entretien
La Monnaie
Opéra de Lyon
Opéra National de Paris
Opéra
131
Partager
Sylvie Martin-Lahmani
Professeure associée à la Sorbonne Nouvelle, Sylvie Martin-Lahmani s’intéresse à toutes les formes scéniques contemporaines....Plus d'info
Photo de Caroline Godart
Caroline Godart
Caroline Godart est dramaturge, autrice et enseignante. Elle accompagne des artistes de la scène tout...Plus d'info
Partagez vos réflexions...

Vous avez aimé cet article?

Aidez-nous a en concocter d'autres

Avec votre soutien, nous pourrons continuer à produire d'autres articles de qualité accessibles à tous.
Faites un don pour soutenir notre travail
Soutenez-nous
Chaque contribution, même petite, fait une grande différence. Merci pour votre générosité !
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements