L’opéra « spectacle vivant » est un art d’assemblage. Assemblage d’artistes, de personnels techniques et administratifs, dont les talents et les nombres varient selon les œuvres et selon les maisons d’opéra : chanteurs-solistes, choristes souvent, danseurs parfois, musiciens toujours qui forment les orchestres constitués, personnels de plateaux, de la machinerie à l’éclairage et au son, metteurs en scène, décorateurs, costumiers, accessoiristes et d’autres. Aux chiffres, aux ressources et aux coûts résultant de chaque assemblage correspondent en partie les paramètres économiques de l’opéra spectacle vivant, dont on pressent l’hétérogénéité. D’autres paramètres dépendent des salles exploitées et des technologies mises en œuvre. Avec le concours de l’Observatoire des politiques culturelles de l’Université de Grenoble, la Réunion des Opéras de France (ROF) établit des synthèses financières1 qui cadrent plusieurs des paramètres de la production et de la représentation d’opéra en France depuis 2006.
Méthode et chiffres-clés
La quasi-totalité des maisons d’opéra françaises ne consacrent qu’une partie de leurs ressources à la production et à la représentation d’opéras. L’histoire l’explique parfois, comme depuis toujours la présence du Ballet à l’Opéra de Paris. D’autres activités artistiques2 trouvent aussi leur raison d’être dans leur attractivité et leurs équilibres coûts/ressources. En 2015, les maisons d’opéras de la ROF totalisent 2568 représentations dont 36 % sont des représentations lyriques.
Tableau 1. Poids comparés des représentations lyriques, chorégraphiques, musicales et tournées vers les jeunes publics en 2015, dans l’ensemble des maisons d’opéra répertoriées par la ROF, et dans le seul Opéra de Paris3
Représentations lyriques | Représentations chorégraphiques | Spectacles musicaux | Divers (jeunes publics) | |
---|---|---|---|---|
25 maisons d’opéra, y compris l’Opéra de Paris | 36% | 21% | 30% | 13% |
Opéra de Paris seul | 40,5% | 38% | 8,8% | 12,6% |
C’est à partir des paramètres clés des maisons d’opéra que l’on peut tenter d’isoler la part qui revient aux représentations lyriques, effort délicat voire frustrant, car les maisons d’opéra utilisent rarement des outils de comptabilité analytique. Ils se décomposent sans surprise en trois blocs : financements, coûts et diffusion. Que ce soit au niveau national ou à celui de chaque maison, chacun de ces paramètres ne prend sa pleine signification qu’au regard des deux autres.
Premier bloc, le montant des financements apportés pendant une période donnée. Il additionne financements contributifs –pour environ 80 % du total (subventions publiques et fonds issus du mécénat, dans des proportions très variables)– et ressources tirées des activités pour 20 % (billetterie en tête). En France, toutes maisons confondues, le bloc des financements en 2017 est légèrement supérieur au demi-milliard d’euros. Entre 2006 et 2017, il augmente globalement de 9 %, soit d’approximativement 8 % par an.
Second bloc, celui des coûts. Son montant, toujours au niveau national, et sa croissance pendant la même période sont du même ordre. Les coûts de personnel en représentent environ 70 %. Les autres 30 % financent coûts de fonctionnement et coûts variables de production artistique (cachets d’artistes temporairement liés à une ou plusieurs productions, metteurs en scène et décorateurs, chefs d’orchestres, chanteurs, techniciens intermittents du spectacle, production pour tout ou partie de décors, de costumes et d’accessoires). C’est sur ces 30 % que porteraient les mesures écoresponsables les plus évidentes (choix des matériaux et réemplois, voyages des artistes). Pour les plus dotées des maisons d’opéra françaises, les montants de coûts fixes affectés à la rémunération d’artistes et de personnel technique bénéficiant de contrats à durée indéterminée constituent à eux seuls des paramètres déterminants. En dépend souvent l’existence – ou non – de formations artistiques permanentes, orchestres propres ou mis à disposition, chœurs, corps de ballet parfois.
Dans les maisons dotées de formations artistiques permanentes, la capacité de les mobiliser pour la production et la représentation d’opéras résulte bien sûr de la part attribuée aux maisons d’opéra parmi l’ensemble de leurs activités artistiques, mais aussi des obligations de service des artistes permanents, musiciens et danseurs, dont leurs budgets leur permettent de disposer. C’est une problématique exigeante. Mobiliser les formations artistiques au-delà de leurs obligations de service expose les maisons d’opéra à des surcoûts, et en deçà à un risque de sous-utilisation.