Händl Klaus est un dramaturge autrichien dont les pièces, films et livrets tissent des liens très subtils entre humain et non-humain. L’étrange douceur de son écriture cherche à atteindre les zones obscures des émotions, et conduit au cœur des métamorphoses du vivant. Violetter Schnee de Beat Furrer a été monté à Berlin dans une mise en scène de Claus Guth (2019, 2020)1. Son dernier texte, Liebesgesang (musique de Georg Friedrich Haas) sera présenté à l’Opéra de Berne dans une mise en scène de Tobias Kratzer.
Comment fais-tu passer ton engagement écologique dans un livret d’opéra ?
Tout d’abord, je m’efforce de mener une vie sobre en termes d’énergie. Mais en ce qui concerne le travail, je dois avouer que je ne me préoccupe pas d’écrire un « opéra écologique ». Selon moi, c’est aux maisons d’opéra qu’il revient de perfectionner les techniques de production. Et si des voix s’élèvent pour exiger qu’on ferme des opéras et des musées, parce qu’ils sont trop énergivores, je répondrais qu’il y a d’autres chantiers plus urgents que de fermer des bâtiments aussi essentiels à l’être humain. Il y a des activités plus futiles, qui consomment énormément d’énergie, comme les courses automobiles, les jeux vidéo, le streaming de pitoyables séries Netflix, et il existe des centaines de lieux de spectacle qui n’ont d’autres stratégies que le divertissement et qui sont de pures manœuvres de détournement de l’attention, qui nous éloignent de notre humanité. Avec l’opéra, même si on a affaire à un art où une partie du public est là pour se montrer, la forme de l’art en tant que telle est si forte que la catharsis est possible.
En tant que librettiste, comment peux-tu contribuer à cette catharsis ?
Cela se fait de manière très naturelle, parce que mes textes traitent toujours de la fragilité humaine et leurs sujets se situent à proximité de la mort. On ne peut pas sortir du théâtre en se disant qu’on a juste écouté deux heures de très belle musique. Cela tient aussi beaucoup aux compositeurs, et tous ceux avec lesquels j’ai travaillé, que ce soit Beat Furrer, Georg Friedrich Haas, Arnulf Herrmann, Heinz Holliger, Klaus Lang, Isabel Mundry ou Hèctor Parra sont des chercheurs, au sens où ils interrogent la société et ce que signifie être humain. La conscience écologique devrait et pourrait être le sujet d’un opéra en soi. Et si on veut, une œuvre comme Violetter Schnee de Beat Furrer traite effectivement de cela. Il s’agit de la transformation de la société à l’intérieur même d’une catastrophe qui a déjà eu lieu. Alors que la capacité à communiquer se perd, se décompose, les personnages ne peuvent plus que répéter des paroles disloquées, qui sont comme les vestiges de leurs précédents dialogues.
Quelle est la fonction du personnage de Tania dans cette progression de la destruction ?
J’ai exaucé le vœu de Beat Furrer de faire venir cette femme d’un autre monde. Tania est un rôle parlé, inspiré par le film Solaris d’Andreï Tarkovski, qui est une très grande référence pour Beat Furrer. C’est une femme morte qui revient, une projection. C’est pourquoi elle est la seule à parler (au lieu de chanter). Et elle contamine les autres avec sa langue.
Est-ce qu’il y a un lien entre Violetter Schnee et Liebesgesang, ton prochain opéra ?