Phonurgia Nova a 35 ans, comme moi. Implantée à Arles, elle est née en contrepoint des Rencontres photographiques initiées en 1970, en proposant un lieu de rencontre pour la phonographie – littéralement, écriture du son.
Structurée en association, Phonurgia Nova s’est donné comme objectif premier la formation et a eu le talent de réunir, année après année, des auteurs et réalisateurs sonores venus transmettre un savoir-faire, une technique, des expériences et partager leur passion à quelques heureux connaisseurs et futurs initiés. Car jusqu’à récemment, Phonurgia avait quelque chose de l’ordre du secret. Un secret bien gardé, une piste que l’on se conseille entre artistes, curieux, passionnés, un lieu magique dont on ne révèle pas l’existence à n’importe qui. Il fallait se passer le mot, se le murmurer dans le creux de l’oreille, comme une faveur que l’on ferait à celui ou celle en qui on avait perçu cette vibration, cette sensibilité à la matière sonore.
2009, mon premier stage Phonurgia. J’ai 22 ans et, faisant mes premiers pas en tant qu’autrice et metteuse en scène, la création sonore m’attire. À cette époque, Phonurgia Nova proposait dans le cadre de l’«Université d’été de la radio » deux stages : « initiation technique et artistique à la création sonore » animé par Medhi Ahoudig et « documentaire sonore de création » par Kaye Mortley. À la fin des années 2000, la révolution du son numérique avait déjà permis à un nombre croissant de personnes de se lancer en toute indépendance dans la prise de son, mais les logiciels restaient chers et quelque peu complexes, rendant le montage peu accessible aux autodidactes. Le stage d’initiation permettait d’acquérir les bases nécessaires à une prise de son de qualité, la définition d’un sujet de documentaire radiophonique et la construction d’une dramaturgie via le montage.
Dix ans, quatre mises en scènes et un doctorat en sound studies se sont passés avant que je ne retourne me former à Arles, portée par l’urgence de créer, moi-même, avec la matière sonore. Entre temps, l’offre de stages s’était considérablement accrue et l’attention au sonore avait fait du chemin.
D’autres stages cette fois : « Field recording » animé par Félix Blume et « Nouvelles fictions sonores » par Alexandre Plank et Antoine Richard. En tant que jeune artiste et chercheuse de 32 ans, j’avais alors le parfait profil-type de la stagiaire Phonurgia ! Car, à moins de s’être formé très tôt comme ingénieur du son ou d’être un musicien ayant développé des compétences en matière de techniques sonores, le son arrive souvent dans un parcours après une certaine maturation. Peut-être le temps nécessaire à ce qu’une intuition, un penchant ou attrait puisse clairement se formuler. Que naisse un besoin impérieux de maîtriser la matière sonore, ses techniques, ses zones d’ombres, pour y plonger, la faire parler, y trouver d’autres voies. Un désir de s’approprier un langage et de le réinventer. Pour dire avec des sons, ou à travers eux. Et s’émanciper de toute barrière technique, économique, psychique, donnant à croire que seuls peuvent toucher aux sons les ingénieurs ou musiciens très tôt formés et disposant d’un matériel dont la prise en main leur serait réservée.