Avant-hier, on les surnommait « saltimbanques », hier on parlait de « théâtre de rue ». Dans les années 2000, on les appelait les « arts de la rue » et aujourd’hui ce sont les « arts en espace public ». Ce glissement terminologique est le témoin de la résilience dynamique de ce secteur, qui a émergé et s’est structuré en moins de cinquante ans1. Le terme « arts », au pluriel, désigne la pluridisciplinarité des formes que l’on y trouve. On parle « d’espace public » et plus de « rue », car ce dernier item vient réduire la pluralité des lieux d’expression possibles, là où la notion d’« espace public », dont la définition est toujours en mouvement, ouvre la potentialité aux espaces physiques comme la nature ou la place de ville, aux espaces sociologiques comme les quartiers périurbains ou aux espaces virtuels du métavers. À condition, bien entendu, que ces espaces soient accessibles à tou·te·s gratuitement.
Dans les années 2000, des premières subventions à la création sont enfin accordées à des compagnies travaillant exclusivement dans l’espace public. La création de la Fédération nationale des arts de la rue permet aux compagnies, artistes, structures de production et de diffusion de partager leurs réflexions et de faire du lobbying sur les politiques culturelles. Ainsi, en 2005, le ministère de la Culture ouvre le « Temps des arts de la rue » pour trois ans. Le label CNAR, Centre national des arts de la rue, est distribué à sept structures, permettant ainsi aux compagnies de travailler dans des conditions moins précaires et aux festivals de rêver plus grand. Aujourd’hui, il y a quatorze CNAREP (Centres nationaux d’arts de la rue et de l’espace public) répartis sur l’ensemble du territoire. Ce plan triennal ministériel permet aussi la création de la première formation spécifique aux arts en espace public : la FAI-AR, et la pose de la première pierre de la Cité des arts de la rue, une utopie de 36 000 m2 dans une ancienne savonnerie à Marseille, inaugurée en 2013 et marquant ainsi l’ultime étape de reconnaissance du secteur. Néanmoins, malgré tout cela, ce secteur a toujours mauvaise presse auprès de l’intelligentsia artistique : les arts en espace public restent le parent pauvre des arts de la scène. En 2007, la plupart des compagnies ne dépassaient pas les 100 000 euros de budget annuel.