Évoquer les spectacles de cirque contemporain, c’est avant tout se plonger dans une myriade d’univers différents : en rue, en salle. Ils se donnent à voir en frontal, en bifrontal, en circulaire, ces spectacles sont tantôt monodisciplinaires, tantôt pluridisciplinaires. Plus de vingt ans après l’année des arts du cirque à Paris (2000), le constat est partout le même de la pluralité des écritures singulières et d’un champ de réception aussi large que dans les autres arts de la scène. Comment ne pas évoquer le cirque dédié au jeune public, qui à lui seul mériterait un article à part entière ? Que ce soit dans TRAIT(s) de la compagnie SCoM, dans le spectacle Nos circollections… de Chloé Duvauchel (compagnie La Relative) ou dans le travail de la compagnie Lunatic, une nouvelle approche du geste circassien s’esquisse, à la recherche moins d’une virtuosité que d’une prosodie des corps et des sons, qui emmènent les jeunes ou très jeunes spectateurs.rices vers un cirque très humain.
Certains créateurs·rices revendiquent un cirque plus axé sur la voltige, sur l’épuisement d’un geste technique, proche d’un cirque néoromantique qui regarde du côté du cirque traditionnel. D’autres préfèrent remixer le cirque et son histoire, poser la question du numéro (c’est par exemple le cas du spectacle Le Vide de Fragan Gehlker et Alexis Auffray), de sa durée, de sa légitimité au xxie siècle, s’en inspirer. La compagnie Ea Eo, pour Les Fauves, a fait le pari audacieux d’une structure gonflable immense autour de laquelle évoluent Emilia Taurisano, Néta Oren, Johan Swartvagher et Éric Longequel, tandis que Wes Peden attend son tour en exécutant un effeuillage de T‑shirt, au milieu d’une piste animée par une chanteuse. Même si Ea Eo tente de rejouer les ménageries du cirque américain, la réussite tient surtout dans les numéros donnés à voir, du jonglage dans un aquarium, une cabine où une jongleuse exécute des figures inlassablement tandis que, dans les casques audio, le spectateur entend la bande sonore, un slam qui l’anime.
Le passé peut devenir un matériau sonore qui ponctue les voix des philosophes, comme peut le faire si brillamment Maroussia Diaz Verbèke avec son Circus Remix. Il y a des bastions de résistances, d’inventions qui ne sont pas forcément tous incarnés par de jeunes artistes sortis des écoles supérieures. Gaël Santisteva, dans Talk Show, faisait parler des artistes de cirque de sujets aussi divers que l’entraînement, le numéro, etc.