En Belgique, les théâtres de marionnettes, comme dans beaucoup de pays, proviennent d’un art populaire avec des lieux, des personnages emblématiques témoins de cette tradition. Et le temps a montré plusieurs évolutions. Dans les années 1970, s’est amorcé un courant de recherches vers d’autres formes et d’autres répertoires. Déjà, on s’affranchit du castelet. L’art de la manipulation à vue naît dans les années 1980. La présence du manipulateur n’est plus cachée. Le jeu évolue. Arrivent les objets. L’animation de l’inerte s’étend à l’animation des objets du quotidien. La marionnette devient un objet de recherche plastique en soi, sans limitation : gaine, tige, marotte, ombre, animation d’objets, plus rarement la tringle ou le fil. On mêle comédiens, danseurs, vidéo. Les spectacles deviennent complètement interdisciplinaires.
Ne disposant pas d’un lieu fixe, les nouvelles compagnies, qui mènent souvent de front spectacles et transmission, jouent la plupart du temps en tournée, et en priorité pour un public d’enfants et de jeunes. Elles renouent ainsi et sans le vouloir avec la vie des ambulants. Progressivement reconnues par les pouvoirs publics, ces troupes pionnières qui explorent de nouvelles facettes de la création marionnettique sont notamment : le Théâtre des 4 Mains (créé à Bruxelles en 1982 par des étudiants de l’IAD – Institut des arts de diffusion – et installé en 1989 dans l’est du Brabant wallon, à Beauvechain) ; le Théâtre du Tilleul (dédié au jeune public scolaire et fondé en 1981 par Carine Ermans et Mark Elst) ; la compagnie de théâtre d’objets sur table Gare centrale (fondée par Agnès Limbos à Bruxelles en 1984) ; le Tof Théâtre (né en 1987 à l’initiative d’Alain Moreau et à l’occasion de la création du spectacle Le Tour du bloc, et maintenant installé à Genappe), qui manipule de très petits personnages parce qu’il n’existe pas de bons comédiens de 32 centimètres de haut… ; le Théâtre des Zygomars (depuis plus de cinquante ans, cette compagnie professionnelle de théâtre jeune public implantée à Namur est contrat-programmée ; elle développe depuis 2011 un projet artistique axé sur les textes de l’auteur Vincent Zabus) ; et le Créa-Théâtre (depuis 1978, cette compagnie de théâtre professionnelle fondée par Francis Houtteman et Dominique Grosjean, rejoints par Françoise Flabat, marque de son empreinte le monde de la marionnette, et dirige depuis 1987 le Centre de la marionnette de la Communauté française de Belgique à Tournai).
Dans toute l’Europe, comme au Québec ou au Japon, ces compagnies du renouveau sont les hôtes réguliers de grands festivals internationaux. Parmi ces compagnies, certaines s’attachent à un lieu, et la plupart sont toujours actives, gérant des outils partagés et ouverts.
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Et là. Je marque une pause.
Françoise Houtteman-Flabat vient de faire son apparition sur cette page.
Françoise, je l’ai eue par Zoom en début d’après-midi. Elle m’a transmis le sel de cette histoire en une longue phrase ininterrompue aussi claire que pétillante.
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Françoise est plasticienne, autrice, metteuse en scène et scénographe, comédienne. Elle a toujours eu une attention sensorielle pour l’objet quotidien au théâtre. Son dernier spectacle, L Louise (création 2022 du Créa-Théâtre), met en scène une danseuse, des machines et une araignée géante : Spider, inspirée de la créature et de l’univers de la plasticienne Louise Bourgeois.
Françoise est aussi directrice du Centre de la marionnette de la Fédération Wallonie-Bruxelles et conservatrice du musée des Arts de la marionnette, réunis sous l’appellation Maison de la marionnette.
Françoise et Francis Houtteman, qui s’en est allé au pays du « Meilleur des rêves » (titre de l’une de ses créations), « ont ancré à Tournai cet art millénaire, populaire et séculaire de la marionnette. Ils y invitent des artistes du monde entier à témoigner de leurs recherches, de leurs talents : c’est un refuge, un laboratoire ».
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