En 2001, Monsieur K. devient un personnage à part entière. À partir de 2006, il crée une soirée cabaret mensuelle à Paris dans un café littéraire, La Grande Redoute de l’Ogre à Plumes, et s’associe à des performers bien connus des cabarets interlopes parisiens (The Man Inside Corrine, Tom de Pekin, Monsieur Katia, Madame H.). En octobre 2015, il relance l’aventure du célèbre cabaret parisien Madame Arthur, qui rouvre ses portes après sept ans de sommeil, et crée, avec Morian & Charly Voodoo, cette nouvelle troupe dont il est le directeur artistique jusqu’en 2018, avant de se lancer dans l’aventure du Secret, un an après. Depuis, Jérôme Marin, alias Monsieur K., organise et anime au Truc du Père- Lachaise ces rendez-vous mensuels secrets, uniques, éphémères et originaux. On y boit, on y mange, les artistes invités côtoient les spectateurs et alternent chansons, effeuillage, sketches, théâtre, danse, acrobatie, sous la houlette du maître de cérémonie en haut-de-forme.
Comment Monsieur K. est-il né ?
J’ai passé le feu bac A3 et, dans l’option théâtre, nous avions à travailler sur Karl Valentin, le célèbre cabarettiste munichois. Ça a été une découverte très forte ! Entre la fin du lycée et le début de l’université, j’ai commencé à faire du drag-queen en professionnel et à travailler dans la nuit, comme on dit ! La période était celle des belles années du queen ; elle était chatoyante, les personnages que l’on croisait extraordinairement excentriques.En 1997, je suis revenu au théâtre avec des textes de Karl Valentin que j’interprétais dans les bars d’Orléans en duo, notamment avec Krista Fromet, avec qui je collabore toujours au Secret. Lors de ces spectacles, un personnage avec un haut-de-forme est apparu, et quand j’ai découvert Kurt Weill et Bertolt Brecht, Monsieur K. s’est progressivement lancé dans l’interprétation de chansons de Kurt Weill. Les choses se sont mises en place à la suite. Découvrir la force d’un personnage de cabaret est une chose extraordinaire. On est très vite confronté à la gestion du public : imposer le silence à des gens qui ne sont pas forcément là pour écouter, habiter l’espace quand l’espace n’est pas joli, faire imaginer le cabaret quand on chante dans un café contre un présentoir de journaux, etc. On est aussi confronté à des choix personnels, liés à l’allure du personnage. La tenue de Monsieur K. peut paraître normale aujourd’hui, mais faire le choix de porter des talons et d’être maquillé constituait un risque à l’époque, même si je pouvais porter tout cet attirail dans les rues d’Orléans sans me faire agresser… Les bars d’Orléans m’ont offert un terrain fabuleux de monstration et d’expérimentation. Il est hyper- intéressant d’aller dans des endroits comme ceux-là, où les gens n’attendent pas une proposition culturelle. Quand ils s’arrêtent de parler pour écouter et que ça les intéresse, l’effet est renversant. Il y a là, je crois, quelque chose qui relève du vrai rapport au cabaret, dans un troquet où on mange et on boit, et où, tout d’un coup, tout est possible parce que les gens suspendent leurs gestes et profitent du spectacle.
Comment caractériser l’évolution récente du cabaret ?
Sans vouloir sembler en porte-à-faux avec les cabarets traditionnels, je crois que la qualité artistique est davantage recherchée dans les formes qui les renouvellent. Reste que le spectre du cabaret est très large. Beaucoup d’artistes prennent à bras- le-corps des formes esthétiques et politiques. Il y a une recrudescence de jeunes artistes et beaucoup de scènes sont à disposition pour montrer son travail. La réinvention de formes déjà éprouvées est permanente, et j’adore la façon dont elles sont remises en question. Voyez par exemple comment Jonathan Capdevielle ou François Chaignaud, pour ne citer qu’eux, montrent leur intérêt pour ce genre.