Ghassan El Hakim est comédien et metteur en scène originaire de Casablanca. Après des études au Conservatoire supérieur de Paris, il rentre au Maroc et forme la troupe Jouk Attamtil Al Bidaoui. Il est à l’origine de la performance musicale Kabareh Cheikhats créée en 2016. Le spectacle rend hommage aux cheikhats, artistes populaires féminines. Les comédiens musiciens masculins jouent des rôles de femmes et reprennent la musique de l’Aïta, ou issue de l’Aïta comme la musique Chaabi. À l’origine du projet, le metteur en scène souhaitait monter un spectacle autour d’hommes dans leur quotidien, qui se retrouvaient le soir venu dans un hammam pour devenir cheikhats auprès d’une vieille cheikha. Le spectacle s’est transformé à ce qu’on appelait autrefois au Maroc le « Bsat », théâtre de tapis qui mêle théâtre, chant, musique, danse, conte et performance. Une forme théâtrale ancienne qui a été mise à l’écart par les institutions du protectorat français.
Femmes libres souvent stigmatisées, les cheikhats chantent l’aïta. Ce genre ancestral signifie « crie » ou « appel » en arabe dialectale marocain. Posé sur une musique faite de percussions, l’aïta est un ensemble de chants poétiques de révoltes, mais aussi de louanges, où l’on exprime la tristesse de l’exil comme les bonheurs partagés. L’aïta se trouvait dans les campagnes où les cheikhats allaient de village en village pour transmettre des messages à travers le chant. Mais il était également présent dans les villes, dans les palais des seigneurs, dans les maisons de grandes familles. En ce réappropriant l’art de l’aïta, Kabareh Cheikhats devient le reflet de cette société féodale de la fin du xixe siècle qu’on a essayé de supprimer.