Comment l’aventure du cabaret Welbeek a‑t-elle commencé ?
FA Rodolphe Coster, musicien de la scène bruxelloise et performer, est venu nous voir suite à la catastrophe provoquée par l’explosion dans le port de Beyrouth. Il participait à un mouvement de solidarité artistique avec le Liban et nous a parlé d’un danseur contemporain rencontré là-bas, Alexandre Paulikevitch. J’ai lu des inter- views d’Alexandre et j’ai été saisie par la force politique et artistique de sa démarche chorégraphique. Il a fait le choix de rester à Beyrouth et, parallèlement à ses chorégraphies de danse contemporaine, il a cette pratique du baladi1. Je découvre donc la richesse du parcours d’Alexandre, très investi dans la danse contemporaine et qui a gardé un lien avec ses racines. Par ailleurs, le fait que le baladi est normalement dansé par des femmes soulève toute la question du genre. Je trouve cela très intéressant, mais on ne s’était jamais vus et on s’est lancés dans un projet quand même très ambitieux par vidéo-conférence, sans vraiment se connaître.
AP Oui, c’était une prise de risque totale.
Quand Fabienne m’a contacté, je ne connaissais pas encore Charleroi danse.
C’est la première fois qu’une scène dédiée à la danse contemporaine2 s’intéresse à des danses folkloriques et les produit, c’est une première historique. Fabienne a vraiment défendu l’idée de ce cabaret. C’est énorme !
FA Si on rentre dans la cuisine du processus, c’est vrai qu’il fallait défendre cette idée de cabaret, qui était très généreuse et très séduisante, mais avec un artiste qu’on ne connaissait presque pas. Et dans un quartier où on ne sait pas comment ça va être interprété. Enfin, il fallait vraiment se faire confiance, de part et d’autre.
Une fois la collaboration commencée, comment s’est- elle déroulée ?
AP On a réfléchi ensemble. D’abord Fabienne,
Annie (Bozzini) et moi. Ensuite, les équipes techniques sont rentrées. J’ai juste préparé le programme de salle, principalement le choix des musiques, ensuite tout s’est fait à la Raffinerie.
Je suis restée à Bruxelles un mois et demi. Il y avait trop de questions dont on n’avait pas les réponses. S’il n’y avait eu que le côté professionnel, je doute qu’on aurait pu aller jusqu’au bout du projet, mais je pense qu’il y avait un côté humain et un intérêt sincère de gens curieux. Il y avait du respect et de l’engagement.
FA Il y a certainement eu des moments de doute ou de scepticisme quant à ce que nous allions faire, sur qui était ce danseur et ce qu’il allait faire. Et, en fait, Alexandre a complètement transcendé nos attentes. Il avait de très bons musiciens, c’est indéniable, mais je pense que sa qualité de danse et sa présence ont époustouflé l’équipe, tout d’abord, puis le public.
AP C’était très important de voir qu’on était sur la même longueur d’onde artistiquement : on avait capté une essence sur laquelle on voulait travailler. Quand je n’osais pas prendre le risque, c’est Fabienne qui se lançait. Il y a eu un engagement sur le terrain de tout le monde, que ce soit les artistes invités, moi-même, mes musiciens ou l’équipe technique. Ce qui est très important, à mon avis, c’est que nous nous approchions d’une première et que personne ne savait ce que nous allions voir. On a brodé, chère Fabienne, on a brodé ensemble.
Quels sont les éléments qui, selon vous, devraient être présents dans un cabaret ?
AP La seule condition que j’ai posée était : un public live, des tables avec des bougies et un esprit de cabaret. Fabienne m’avait prévenu que la Raffinerie était une scène avec un caractère puissant et très présent. Donc, pour moi, c’était une hantise que la Raffinerie prenne le dessus sur le mood cabaret. Avec Thomas (Beni), coordina- teur technique de la Raffinerie, nous avons donc installé des tables et essayé de tamiser les lumières pour donner l’ambiance cabaret. Et cela a vraiment fonctionné avec très peu de choses.
FA Finalement, on s’est interrogés sur la nourriture, le bar et l’alcool qu’on allait vendre. Et c’est Annie Bozzini qui a choisi l’option champagne, parce que ça rend plutôt gai. Il y a eu quelques autres propositions, mais c’était vraiment élémentaire au niveau de l’offre de boissons. On n’avait pas un budget fou, juste ce qu’il fallait.