Tu as commencé l’effeuillage burlesque depuis près de deux ans et tu es la plus jeune à le pratiquer professionnellement à Paris. D’où vient ton nom de scène ?
Billy fait référence au film Billy Elliot et Burton au cinéaste Tim Burton. Ayant appris que son fils s’appelait Billy Burton, j’ai ajouté Von en hommage à Dita von Teese, reine absolue du burlesque. J’ai choisi un nom de scène car mon prénom, Lola, est couramment utilisé par les show girls, et pour marquer une légère distance avec mon personnage, même s’il est très lié à ma personnalité, juste un peu plus pompette et trash. Je vis dans l’univers starlette des comédies américaines des années 1940 et 1950 : c’est une passion, un art de vivre. Ce qui est drôle, c’est qu’au premier abord les gens pensent que je suis coincée à cause de mon style vestimentaire années 1940, absolument pas dénudé. Je ne porte jamais une jupe au-dessus du genou ! Mais les effeuilleuses de l’époque s’habillaient ainsi. Je ne comprends pas qu’en France, dans le pays de la mode, le confort ait remplacé l’élégance. Le beau a disparu, tout a été lissé, simplifié, terni ; les choses n’ont plus de couleurs, plus de saveur.
Comment es-tu venue à l’effeuillage ?
Un peu par hasard. J’ai commencé la danse il y a dix-sept ans, à l’âge de 5 ans. Que ce soit en contemporain, en jazz, modern jazz ou classique, quelque chose me manquait. J’ai poursuivi en me formant professionnellement en contemporain. Mon niveau technique convenait, on me reprochait cependant ma personnalité expansive, trop expressive. Il faut dire qu’après ces cours assez scolaires je m’épanouissais le soir dans les claquettes. À mon arrivée à Paris, en cherchant du travail dans les claquettes, je suis tombée sur les cours d’effeuillage de Mlle Loison – que j’avais découverte vers 13 ans en regardant des vidéos de pin-up et mode vintage. L’effeuillage a été une révélation, j’ai immédiatement su que je voulais faire ça toute ma vie. Très vite, Mlle Loison m’a proposé d’intervenir dans son cabaret, au théâtre Montmartre-Galabru. Le sol était du lino, on n’entendait pas mes claquettes au-delà du premier rang ! Mais cela m’a permis de plonger dans ce milieu. J’ai réalisé ma première date au culot : je devais danser dans un drag show et une semaine avant j’ai dit avoir cassé la lanière de ma chaussure de claquette, ce qui m’a valu de monter mon premier numéro d’effeuillage dans l’urgence ! Ma deuxième date a été au Cancan Pigalle, grâce à l’incroyable Mamzelle Viviane.
Je me suis reconnue dans son côté show girl électrique, qui passe du cancan aux claquettes et à l’effeuillage. Cela me rassura, je ne faisais pas fausse route.
On dit qu’il y a un style d’effeuillage par effeuilleuse. Comment définirais-tu le tien ?
Mes numéros sont modernes d’un point de vue scénaristique, avec l’humour et la dimension théâtrale propre au new burlesque, tout en conservant les bases classiques dans la manière de s’effeuiller. De même pour les costumes, type porte-jarretelles taille haute. J’oscille entre les années 1920 pour le Charleston, 1930 – 1940 pour les big bands et 1950 pour le rock’n roll.
La danse est très présente, le choix des musiques primordial – mon père batteur m’a très jeune initiée au rythme. J’aime le côté Broadway qui manque pour moi en France. J’ai eu une overdose d’élitisme dans le contemporain et ne comprenais pas pourquoi le spectacle devait surenchérir la dureté du monde. Pourquoi ne pas partager de la joie et du rire ? L’entertainment est d’une immense générosité à l’égard du public. Je voudrais aller à New York et à Las Vegas découvrir ce qui s’y fait. Les Américaines sont incroyables, même si parfois too much. Là-bas, j’insisterai sur l’élégance à la française !
As-tu des accessoires fétiches ?
J’adore le strass et les paillettes, mais sans trop d’accessoires. Un boa ou des plumes suffisent. Les éventails en plumes d’autruche sont magnifiques, même sans se déshabiller. Très chorégraphique. L’effeuillage, c’est l’art du teasing, de la suggestion. D’ailleurs, les numéros finissent lorsqu’on enlève notre soutien-gorge.
Qu’est-ce qui te semble le plus singulier dans le milieu du burlesque ?
C’est un petit milieu, nous nous connaissons toutes et tous, sans esprit concurrentiel et au contraire beaucoup d’entraide. J’aime aussi le fait de tout maîtriser puisque nous créons nous-mêmes nos numéros, costumes compris. Au-delà de la question budgétaire, porter un costume qu’on a pensé et réalisé soi-même est génial. Tout cela participe à ce que l’on se livre totalement en scène, bien plus qu’au théâtre : on endosse un costume, pour l’enlever !
Peux-tu nous parler du duo des QueuesD’Pies que tu formes avec Poppy Peachy ?
Nous sommes sœurs siamoises collées par la hanche, ce qui donne l’image d’une queue-de-pie. Nous avons des numéros où l’on s’effeuille l’une l’autre. Nous le donnons régulièrement au sous-sol du Velvet Moon à Montreuil où nous avons une carte blanche mensuelle. Nous préparons une version longue avec un comédien, Lucien Carnage, qui nous a achetées dans un cirque, nous sépare car deux filles rapportent plus qu’une ! Et l’on enchaîne avec ce conteur-maître de cérémonie en mêlant notre histoire à celle du cabaret à Paris, les débuts avec les gangs, le Moulin-Rouge, etc.
Qu’est-ce que le burlesque représente selon toi, aujourd’hui ?
La liberté. Les Années folles, avec le Charleston où on a levé les jambes, comme le cancan en son temps… C’est aussi le renouveau et l’élan fou d’invention aux États-Unis pendant la prohibition. Le cache-tétons est apparu là, pour contrer l’interdiction de montrer ses seins.
Les effeuilleuses se sont collé des bouts de scotch et ça a fonctionné. Que l’on reste encore très censuré quand on montre un téton sur Instagram me semble incroyable, beaucoup voient leur contenu supprimé. Les nippies font désormais partie de la tradition, je ne m’imagine pas ne pas en porter. Il y a des déclinaisons marrantes. Les pompons, c’est l’apothéose ! Dans mon duo avec Poppy Peachy, nous avons un numéro où l’on se bat comme dans un match de boxe, à qui fera le mieux tourner ses pompons.
J’ajouterais que l’effeuillage s’est dès le départ affirmé féministe puisque c’étaient des femmes qui se réunissaient entre elles. Et le public reste majoritairement féminin. Arriver sur scène et se déshabiller a évidemment sa part de provocation, mais alors que la publicité fonctionne depuis des décennies sur des femmes nues, il y a aujourd’hui une dimension militante dans l’effeuillage où l’on séduit sans se dévêtir entièrement, en maîtrisant ce que l’on montre ou pas, à quel moment, en combien de temps.