C’est l’un des grands noms de la création rwandaise. Carole Karemera, dont le travail est salué autant en Europe qu’en Afrique, a fait de la création jeune public l’un des axes majeurs de ses créations. Une exploration artistique en lien avec l’engagement de celle qui s’est installée et travaille depuis maintenant vingt ans au Rwanda.
Retour au pays familial
Carole Karemera est née à Bruxelles, de parents exilés du Rwanda. Ce pays familial, elle n’envisageait pas d’y vivre. Après avoir fait le conservatoire royal de Mons, puis de Bruxelles, elle commence sa carrière artistique comme comédienne et saxophoniste. Son passage à Kigali, dans le cadre de la tournée Rwanda 94 du Groupov, où elle joue comme actrice, aura un rôle majeur dans sa décision : Carole Karemera y réalise que l’art a une importance cruciale dans un pays en pleine reconstruction. « En Europe, où le théâtre est financé et structuré, on a tendance à ne plus voir l’importance que l’art peut avoir dans une société. Au Rwanda, la perspective de devoir travailler sur les fondements, collectivement, dans un pays sans théâtre ni infrastructures dédiées à l’art, a renforcé ma décision de partir. Je n’étais pas la seule, les gens du retour venaient de partout, pour travailler à cet effort de reconstruction du pays », raconte-t-elle avec émotion.
Carole Karemera découvre une autre manière de faire du théâtre. Ses premières créations se jouent d’abord uniquement dans les rues, les bars, les hôpitaux et les écoles. Il faut parfois composer avec l’absence d’électricité et toujours avec les gens. Que sont-ils prêts à entendre ? « Prendre la parole au Rwanda est tellement différent d’en Europe ! La parole est sacrée, responsable. Elle peut guider, positivement ou négativement », analyse-t-elle. Ses premières années sont une leçon d’humilité pour elle, qui met un certain temps avant d’oser écrire pour le jeune public.
Un théâtre du monde dans les écoles
Tout en menant des spectacles, joués dans les rues, les bars, les hôpitaux ou encore au sein de la bibliothèque de Kigali, Carole Karemera fonde, avec sept autres femmes, en 2006, le Ishyo Arts Center, un lieu de création ambulant. Elle entame parallèlement une réflexion sur les enfants rwandais. Avant d’écrire pour eux, elle souhaite comprendre qui ils sont, et comment sont façonnés les imaginaires. Après avoir conçu une bibliothèque ambulante qui se promène dans tout le pays pour aller à la rencontre des enfants, les écoles – dans lesquelles l’État investit en priorité, en construisant alors 2000 classes par an, nous dit-elle – deviennent un formidable terrain d’expérimentation.