Yannick Duret a joué dans plus d’une dizaine de spectacles jeune public qui ont tourné des centaines de fois en Europe. Formée au conservatoire de Liège, mais également à la pratique de la danse contemporaine, Yannick a une présence solaire et tonique. Elle partage avec nous son expérience tout terrain : ses souvenirs de scène, de loges et de camionnettes, mais également ses rencontres avec les lieux et les publics, qui forment le biotope singulier du théâtre jeune public. Il y a trois ans, elle fait ses adieux à la scène pour rejoindre l’équipe du Théâtre national de Bruxelles (service des relations avec les publics et de la médiation culturelle). Elle nous raconte comment son expérience de comédienne pour le jeune public nourrit aujourd’hui sa pratique novatrice et engagée de la médiation.
Est-ce que la scène et le public te manquent maintenant que tu es sédentaire dans une grande maison ?
Jouer ne me manque pas tant. Les tournées sont très longues dans le théâtre jeune public, certains spectacles peuvent être diffusés souvent et longtemps. En revanche, ce qui me manque, c’est cette façon d’être sur la route, avec un collectif. Ces sensations sont très fortes. Les loges, les camionnettes et les trains me manquent aussi – car le jeune public, c’est aussi beaucoup d’heures de transport dans des camionnettes.
Quand je suis sortie du conservatoire de Liège, je savais à peine que le jeune public existait. Je ne pensais pas spécialement me réaliser en tant que comédienne dans ce secteur. Le hasard a fait que j’ai rencontré Martine Godard, de la compagnie Arts et Couleurs. Elle m’a embarquée dans un spectacle de Jean-Claude Grumberg, dramaturge et auteur de littérature jeunesse, qui s’appelait Marie des Grenouilles (créé en 2005 au Théâtre de Huy, en Belgique). C’était une opérette dans laquelle nous étions sept sur le plateau. C’était une œuvre très ludique et magique qui mobilisait des stratagèmes techniques, presque des effets spéciaux, dans la scénographie. Le spectacle a été un succès et nous sommes parti.ies en tournée par la suite. J’ai vraiment aimé le principe de la tournée. Parmi les comédiens.iennes, certains.aines détestent être nomades et loin de chez soi. Moi, j’ai adoré.
Pourquoi ?
En tournée, et a fortiori dans le théâtre jeune public, les tournées sont longues et nous formons une équipe soudée. Autour de chaque création, une famille différente d’artistes se compose, avec des sensibilités et des méthodes de travail très personnelles. Cette vie en collectivité procure des facultés d’adaptation assez fortes. Et ces compétences peuvent ensuite se mobiliser dans toutes sortes de situations ou de fonctions, comme dans celle de chargée de médiation dans une grande maison pour ce qui me concerne. Coopérer avec les autres est pour moi essentiel : si je devais travailler seule, je n’aimerais pas ce métier. En tant que femme, les tournées m’ont également procuré des espaces personnels et intimes. J’ai aimé travailler, mais j’ai aussi adoré me sentir en vacances partout et découvrir des endroits en étant seule, quand le besoin de quitter le groupe apparaissait. J’emmenais toujours mon maillot de bain, j’essayais d’avoir le temps d’aller dans les piscines municipales.