Jouer avec le corps et faire apparaître des formes incongrues, donner une valeur à des actions considérées comme inefficaces, sans but concret – comme rouler par terre ou sauter jusqu’à l’épuisement –, ou encore questionner le langage en tant que moyen privilégié de la compréhension, voilà certains des procédés qui font de la danse un espace essentiel pour accompagner les enfants dans leur éveil sensoriel, perceptif et, plus tard, critique.
En même temps, les enfants, inventeur.ice.s inépuisables de jeux et d’imaginaires, peuvent être considérés comme le public idéal pour développer une dimension de la danse qui ne se veut pas un langage univoque, mais un espace d’ouverture, de projection ou de rêve.
La danse destinée au jeune public serait, dans ce sens, un terrain d’échange avec des enfants qui construisent leur univers et des artistes dont la pratique se développe grâce à leurs réactions.
Cette vision de la danse jeune public comme espace de réciprocité créatrice est perceptible dans le paysage de la danse en Belgique francophone. En effet, la danse est de plus en plus présente dans les circuits du jeune public1. Parallèlement, des institutions de référence de la danse contemporaine à Bruxelles, telles que Charleroi danse et Les Brigittines, intègrent des spectacles destinés aux enfants dans leur programmation. Ce paysage se façonne grâce à des artistas – Caroline Cornelis, Félicette Chazerand, Maria Clara Villa-Lobos, parmi d’autres – qui développent un langage chorégraphique singulier en dialogue avec ce public. Il s’élargit en accueillant des artistes issus de la création chorégraphique contemporaine, qui rencontrent sporadiquement le jeune public à travers des créations ou des adaptations. Entre autres, la compagnie Demestri+Lefebvre, Olga de Soto, Anton Lachky, Louise Baduel et Marian del Valle.
Pour explorer les ficelles de cette rencontre entre la danse et les enfants, je me suis entretenue avec Caroline Cornelis, chorégraphe et directrice artistique de la compagnie Nyash, qui développe, depuis 2006, un travail fin et engagé dans ce domaine.
Quelles expériences en tant qu’interprète de danse jeune public influencent votre démarche chorégraphique ?
Ce n’est pas une question facile pour quelqu’un qui fonctionne beaucoup sur l’intuition. Je dirais que c’est l’énergie, entre le public et les danseur.euse.s sur le plateau, qui impacte sur la chorégraphie. Cette énergie vibratoire influence le jeu et exige de l’attention, de la flexibilité et de l’interaction. J’adore ce terrain-là, car il surprend en permanence. Idéalement, il devrait en être ainsi avec tous les publics, mais je trouve que l’importance du lien et les questions qui en découlent – pour qui et pourquoi on joue ? – se renforcent avec le jeune public. C’est une histoire d’amour qui se tisse entre les enfants et les artistes au plateau. Une rencontre franche où l’on ressent très fortement leur présence. On respire avec eux, avec elles. Je pense que c’est le fait d’avoir expérimenté cela en tant qu’interprète qui m’a donné envie de poursuivre cette recherche.
Comment comprenez-vous le processus de création chorégraphique ?
J’invente des processus de création uniques pour chaque projet. Ils dépendent de l’équipe, du public et du sujet sur lequel nous souhaitons travailler.