Un spectacle de marionnettes au cœur d’une forêt (Le Crapaud et l’Oiseau par le Dahlia blanc), un statisticien amoureux d’un python (Gros-Câlin de Romain Gary), la rencontre tumultueuse d’une fleur occidentale avec une fleur orientale (Le Lys et le Jasmin d’Aziz Chouaki), autant de spectacles auxquels vous pourrez assister, dès l’âge de 4 ans, à Paris, au Théâtre du Chariot. Né en septembre 2024 d’un collectif de sept artistes, la Comédie Nation, qui dispensait depuis vingt ans des cours de théâtre aux enfants et adolescents, est devenue le Théâtre du Chariot, l’un des rares théâtres parisiens à offrir un espace de création aux jeunes compagnies émergentes, tout en étant un fabuleux espace d’initiation au théâtre, pour les enfants comme pour les adultes. Une salle exigeante, joyeuse et ludique, qui s’ouvre à tous, et notamment à la différence. Rencontre avec deux de ses fondatrices, Sarah Horoks et Alexandra d’Hérouville.
Entretien réalisé par Marjorie Bertin
Que propose le Théâtre du Chariot aux compagnies émergentes ?
Sarah Horoks : Il s’efforce d’être un lieu à la croisée des chemins. Pour l’instant, c’est un théâtre privé qui peut être une plate-forme pour les compagnies émergentes qui veulent jouer dans le théâtre public sans y parvenir, faute de cocher toutes les cases. On leur propose de jouer leur spectacle en plein Paris, avec suffisamment de dates pour qu’elles puissent demander des subventions, pour que la presse et les professionnels puissent y assister et que le spectacle trouve son public. Nous appartenons à une génération qui répète quatre semaines un spectacle, et le jouer seulement quatre fois, ce n’est pas possible ! Les débuts d’une programmation sont parfois difficiles, mais, très vite, le bouche-à-oreille fonctionne, ce qui est très rassurant ! En fait, c’est un peu le même procédé qu’à Avignon, sauf que cela ne coûte pas 40 000 euros aux compagnies. C’est un théâtre pour et par des artistes. Nous ne sommes pas producteurs, nous accueillons les compagnies sans exiger de minimum garanti sur les recettes. Lorsqu’elles jouent ici, c’est comme si elles étaient chez elles. Elles ont les clés et peuvent y venir lorsque nous n’y sommes pas. Cette responsabilité découle d’une précarité, mais c’est vertueux pour tous. Depuis septembre (l’entretien a été réalisé en janvier dernier, ndlr), nous avons accueilli dix-sept spectacles. C’est un réseau qui s’ouvre pour toutes ces compagnies, nous croyons en elles.
Alexandra d’Hérouville : Nous avons tous une grande expérience du côté de l’émergence. En tant qu’artistes, on fait en sorte d’accueillir les artistes comme on aurait aimé et comme on aimerait être accueillis. Aucun artiste émergent n’a les moyens d’avoir un lieu dans Paris, car c’est affreusement cher. Aujourd’hui, ce petit théâtre est un luxe inouï. Aux compagnies qui veulent faire du théâtre « jeune public », nous offrons également un réseau de spectateurs « jeune public » composé de tous nos élèves qui viennent au théâtre, et des enfants provenant d’une centaine de centres de loisirs aérés parisiens. Le Chariot est un point de rassemblement pour les enfants et adolescents des établissements des alentours, mais aussi pour les parents, qui y prennent des cours de danse ou de théâtre et les accompagnent au spectacle. Dans ce sens, c’est un théâtre de quartier, à savoir un lieu de découverte et de transmission auprès d’habitants qui n’ont pas forcément le désir d’en faire un métier.
Sarah Horoks : Nous n’avons pas une volonté d’école professionnalisante et nous y tenons. Pour nous, un cours amateur ne vaut pas moins qu’un cours professionnalisant, nous créons ainsi des futurs spectateurs. Nos élèves ont des tarifs spéciaux pour assister aux spectacles, car, souvent, nous apprenons plus en regardant qu’en faisant. Nous avons également créé un foyer ouvert pour eux : ils y lisent des livres, jouent du piano, font leurs devoirs, en attendant leur cours… L’idée est qu’ils s’y sentent bien.