Cet entretien avec trois membres de la compagnie des Ateliers de la Colline (AC) a été mené dans le cadre d’un séminaire du Certes (Centre d’études et de recherches dans l’espace social) à l’université de Liège avec la participation d’étudiants de master 1 et 2. Sont intervenus :
- Mathias Simons (MS), directeur des AC, auteur, metteur en scène, pédagogue à l’École supérieure d’acteurs du conservatoire de Liège.
- Aline Dethise (AD), responsable, à la date de l’entretien, de la production et de la diffusion des spectacles créés.
- Marie-Camille Blanchy (MCB), diplômée du conservatoire de Liège en théâtre, comédienne et régisseuse depuis huit ans aux AC. Elle participe au montage et au démontage des spectacles en tournée. Artiste en école, elle anime des ateliers avec les enfants dans les classes.
Mathias Simon revient d’abord sur la genèse des Ateliers de la Colline.
MS : Les AC (Ateliers de la Colline) s’inscrivent dans la mouvance post-68 et des nouvelles conceptions de l’enseignement et de ce qu’est l’enfant. L’enfant cesse progressivement d’être considéré comme un humain encore non accompli et « immature » qu’il faut remplir de connaissances et auquel il convient d’apprendre les comportements acceptables. Il devient un citoyen à part entière, doté d’une conscience, d’une raison et d’une imagination propre et singulière, et on le considère également comme un être inséré dans le tissu social avec toutes les questions et contradictions que cela suppose.
Les AC sont nés à l’intérieur d’une compagnie de théâtre-action, le Théàtre de la Communauté, un théâtre engagé, militant, politique, qui a pour mission de donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais, à ce « non-public », selon l’expression répandue depuis la fin des années 1960 pour désigner un public qui n’a pas accès à la culture. Le Théâtre de la Communauté, qui fut la matrice d’autres compagnies, est issu du théâtre universitaire. Il s’établit à Seraing dans les années 1960, pour faire de l’animation, des spectacles et des ateliers, avec des gens dans leur contexte de vie, dans les arrière-salles de cafés ou les usines désaffectées… Ces personnes pouvaient ainsi montrer les réalités sociales dans lesquelles elles étaient prises. L’idée sous-jacente étant que les représenter ouvrirait la possibilité de pouvoir agir sur ces réalités. La filiation avec le théâtre d’agit-prop, Piscator, Brecht et, dans une perspective similaire, les avant-gardes artistiques et politiques des années 1960 – 1970, était évidente.