Portrait de l’acteur japonais en costume de saltimbanque

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Portrait de l’acteur japonais en costume de saltimbanque

Le 26 Avr 1985
Kabuki
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Article publié pour le numéro
Le butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives ThéâtralesLe butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives Théâtrales
22 – 23
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Ce qui me glaçait telle­ment, au théâtre japon­ais, c’é­tait encore ce vide, qu’on aime pour finir et qui fait mal d’ab­o­ra, qui est autori­taire, et les per­son­nages immo­biles, situés aux deux extrémités de la scène, gueu­lant et se déchargeant alter­na­tive­ment, avec une ten­sion pro­pre­ment effroy­able, sortes de bouteilles de Leyde vivantes.

Hen­ri Michaux,
Un bar­bare en Asie

Ne mon­ter que des pièces traduites, ça ne vaut rien de bon. De toute façon, ce n’est jamais vrai­ment ça : les Japon­ais ont les bras et les jambes trop courts.

Suzu­ki Tadashi,
The gram­mar of foot­work

Aucun acteur au monde n’est aus­si brail­lard que le Japon­ais avec un résul­tat aus­si mai­gre. Il ne dit pas sa langue, il la miaule, l’éructe, et brame, bar­rit, brait, hen­nit, ges­tic­ule comme un pos­sédé et mal­gré ça, je ne le crois pas. Il fait ça « à côté », « déco­ra­tive­ment ». Ses con­tor­sions effroy­ables pour exprimer sa douleur sont l’ex­pres­sion du mal de chien qu’il se donne pour représen­ter sa douleur (…) Il pleure, il gémit ; une grande car­casse de gémisse­ments sur laque­lle il n’y a rien à pren­dre.

Hen­ri Michaux,
Un bar­bare en Asie

Selon Suzu­ki, le mode de jeu de l’ac­teur tra­di­tion­nel japon­ais n’est pas l’ex­pres­sion mais la répres­sion. Répres­sion, puis détente, et l’én­ergie qui émane alors du jeu n’est pas moins con­cen­trée que si on avait poussé de force le soleil par un trou de ser­rure. Du principe du ray­on laser appliqué au jeu de l’ac­teur ; de l’ac­teur comme une lame de lumière.

Rod­er­ick Mason Faber,
dans le Vil­lage voice

Il écrivait, sur la scène, des pièces de théâtre avec son corps.

Origuchi Shi­nobu sur l’ac­teur de Kabu­ki
Kiku­gorô VI
(cité par Watan­abe Mori­a­ki)

On a voulu se dress­er en regar­dant Hijika­ta se dress­er.
Mais quand on l’a vu amaigri, épuisé, ne s’est-on pas
con­finé dans une esthé­tique ?

Tana­ka Min

Je rap­procherais (la manière dont le manip­u­la­teur s’ab­sente der­rière sa poupée dans le bun­raku) du mot « super-pup­pets » employé par Gor­don Craig quand, inter­dis­ant stricte­ment tout jeu réal­iste qui tomberait dans des actions sans retenue, il engageait les acteurs à se remet­tre entre les mains du met­teur en scène qui les manip­ulerait comme des mar­i­on­nettes. Ces acteurs devenus poupées, il les appelait « über-mar­i­on­nettes ». Je pense quant à moi que les mar­i­on­nettes du bun­raku, bien qu’é­tant poupées, s’ap­prochent de ce stade où Gor­don Craig situ­ait ses super-mar­i­on­nettes — à moins que, prenant le point de vue opposé, on se décide a les dire surhu­maines, « über­men­sch » !

Kawatake Toshio,
A his­to­ry of japan­ese the­atre (vol. 2)
Nô

La décla­ma­tion mélo­dra­ma­tique du nô a des accents presque névrosés et très émo­tion­nels, en dépit de l’im­pas­si­bil­ité que le masque assure aux acteurs prin­ci­paux. La croy­ance japon­aise veut que le chant vienne de plus loin et de plus pro­fond que la parole, et qu’il pos­sède en con­séquence une valeur d’ex­pres­sion très forte et d’une par­ti­c­ulière intim­ité. Les Japon­ais chantent ordi­naire­ment avec un grand air de sérieux, une con­cen­tra­tion presque religieuse. Le chant est une per­for­mance. Mais, à l’op­posé de ce qui se passe en Occi­dent, où le chanteur se doit de don­ner une impres­sion d’ai­sance, il n’est pas inter­dit d’en laiss­er paraitre la dif­fi­culté et l’épuisant tra­vail. Cet aspect physique du chant pro­fes­sion­nel fait par­tie du spec­ta­cle de kabu­ki ou de bun­raku, dont les réc­i­tants par leurs vis­i­bles efforts d’émis­sion des sons con­tribuent à créer le cli­mat dra­ma­tique con­ven­able : mus­cles gon­flés du cou, res­pi­ra­tions vio­lentes, suda­tion de la face, mou­ve­ments du buste aidant l’in­to­na­tion.

Pierre Landy,
Musique du Japon

(L’art du cal­ligraphe japon­ais) n’obéit pas aux lois physiques : il représente ce qu’on appellera, faute d’un mot plus juste, le mou­ve­ment absolu : mou­ve­ments d’une âme pos­sédée par un pou­voir mag­ique qui la fait avancer, hésiter, s’élancer ou s’a­ban­don­ner, se per­dre puis se retrou­ver, pren­dre force ou s’ef­fac­er douce­ment ; on songe aux dans­es des shamanes de Sibérie ori­en­tale qui sem­blent sur­vivre ‑mais si exquis­e­ment sub­limées — dans es dans­es du théâtre nô. Si la cal­ligra­phie japon­aise doit ren­voy­er à quoi que ce soit dans le monde extérieur, ce sera l’im­age d’un éclair, d’un cyclone, ou l’é­gout­te­ment d’une pluie d’au­tomne.

Kurt Singer,
Mir­ror, sword and jew­el
Textes rassemblés par Daniel De Bruycker
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