Quelques (non) définitions du butô

Non classé

Quelques (non) définitions du butô

Entretien avec Ogino Suichiro

Le 15 Avr 1985
Ankoku butô (dansess des ténèbres)
Ankoku butô (dansess des ténèbres)

A

rticle réservé aux abonné.es
Ankoku butô (dansess des ténèbres)
Ankoku butô (dansess des ténèbres)
Article publié pour le numéro
Le butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives ThéâtralesLe butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives Théâtrales
22 – 23
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minitieux, offrez-nous un café ☕

Ogi­no Suichi­ro : La seule façon de définir le butô con­siste, à mon sens, à définir les raisons pour lesquelles on ne peut pas définir le butô !

Parce que le phénomène évolue aujour­d’hui encore, il n’ex­iste pas de butô défini­tif ni donc de déf­i­ni­tion : au mieux, le butô man­i­feste une essence — néga­tive — qui le rap­proche de l’an­ti-art tel qu’il appa­rait dans les avant-gardes depuis dada et le sur­réal­isme.

Parce que le butô con­siste pour un danseur à expos­er non pas même sa vision de la vie, mais son image de sa vie et son intel­li­gence de son pro­pre corps, et parce que la diver­sité est ain­si inscrite au cœur même du butô1, il n’ex­iste pas non plus un butô offi­ciel auquel on puisse rap­porter les autres — encore qu’on puisse en revanche expli­quer par cette notion d’in­di­vid­u­al­isme fonci­er com­ment fonc­tionne le butô, à la fois dans sa poé­tique (voire sa philoso­phie), dans sa pra­tique (soit la façon dont chaque danseur doit éla­bor­er son pro­pre butô) -2 et même dans son rap­port au pub­lic, puisqu’en l’ab­sence d’une sig­ni­fi­ca­tion unique et établie, le butô agit en tout comme un miroir où chaque spec­ta­teur, comme avant lui le danseur, se retrou­ve face à lui-même.

Il y a bien, enfin, une déf­i­ni­tion his­torique, mais ce n’est pas celle que l’on croit:du fait même que le butô a été large­ment influ­encé par les avant-gardes européennes (surtout le sur­réal­isme), il serait ridicule d’y voir unique­ment le reflet d’une crise de société (la con­tes­ta­tion des années 60), voire comme on l’a fait par­fois une séquelle du cauchemar nucléaire ! Par con­tre, c’est toute l’his­toire cul­turelle du Japon qui sem­ble procéder par péri­odes alternées d’ab­sorp­tion et d’as­sim­i­la­tion :les spec­ta­cles sophis­tiqués importés de Chine à l’époque de Nara ont été pro­gres­sive­ment japon­isés au fil de l’ère Heian ; au Moyen Âge, ce sont les dans­es pro­fanes du con­ti­nent qui s’éla­borent jusqu’à pro­duire le nôgaku3 ; l’ère Edo4 voit le bun­raku raf­fin­er l’art grossier des poupées mawashi, puis le kabu­ki réalis­er la syn­thèse de toutes les formes précé­dentes. Dans cette logique-là, nous voyons aujour­d’hui appa­raître les pre­mières formes dra­ma­tiques authen­tique­ment japon­ais­es après un siè­cle et plus d’adop­tion des styles occi­den­taux, et ces formes nou­velles font à leur tour la syn­thèse de tout ce que le Japon est devenu en un siè­cle, inté­grant les élé­ments autochtones aux influ­ences étrangères : le buté et le shô-gek­i­jô5 sont nos pre­miers spec­ta­cles orig­in­aux depuis la révo­lu­tion de Mei­ji6.

Daniel De Bruy­ck­er : Est-ce qu’on peut y voir deux styles jumeaux, apparus par­al­lèle­ment l’un dans la danse et l’autre dans le théâtre ?

O.S. : Oui, à ceci près que le butô s’est con­sti­tué bien avant que Kara Jurô com­mence à rénover le théâtre, mais ilest vrai qu’il y a eu beau­coup de va-et-vient entre les deux dis­ci­plines :ain­si, Dairaku­dakan, la troupe de butô dont sont issus Ama­gat­su (Sankaï Juku) et Oosu­ka (Byakkosha), a été fondée par Maro Aka­ji, un transfuge de la troupe de shô-gek­i­jô Kuro­ten­to, le « Chapiteau noir » de Sat Mako­to, lui-même inspiré par l’ex­em­ple de Kara Jurô qui avait fondé Aka­ten­to, le « Chapiteau rouge », après qu’on lui ait inter­dit l’ac­cès des salles de théâtre !
Ceci dit, presque tous les acteurs du shô-gek­i­jô recon­nais­sent l’in­flu­ence de Hijika­ta Tat­su­mi : Kara Jur­dô, Ter­aya­ma Shu­ji et Suzu­ki Tadashi, les trois fon­da­teurs du mou­ve­ment, étaient tous des amis de Hijika­ta, dont le stu­dio était à l’époque le ren­dez-vous de toutes les avant-gardes, théâ­trales, graphiques, lit­téraires…

D.D.B. : Poli­tiques égale­ment ?

O.S. : Celles-là se retrou­vaient plutôt à l’u­ni­ver­sité Hana­zono, où j’ai moi-même fait le plus clair de mes « études » pen­dant la fer­me­ture des cam­pus, à la fin des années ’60.

D.D.B. : Hana­zono ? Je ne con­nais pas cette uni­ver­sité…

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Non classé
1
Partager
Ogino Suichiro
Ogino Suichiro, familier dé la plupart des danseurs de butô et agissant au sein de...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements