De grands événements de langage

De grands événements de langage

Le 26 Sep 1995
Isaach De Bankolé, Jean-Philippe Ecoffey, QUAI OUEST, mise en scène Patrice Chérreau.
Isaach De Bankolé, Jean-Philippe Ecoffey, QUAI OUEST, mise en scène Patrice Chérreau.

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Rêves, poèmes, savoirs mort-nés,
formez une pyra­mide.
et que mon œuvre y gravisse
un escalier de men­songes.
En let­tres d’or sur le som­met :
fuir la douleur
fuir le remords.

(PEER GYNT. Acte V)

Les vrais rich­es ne souf­frent
plus du tout.

(Cal, COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, scène VII).

« Com­bat de nègre et de chiens »

Une, pièce dont l’in­trigue est apparem­ment réduite au min­i­mum : un ouvri­er noir a été tué sur un chantier, son frère vient réclamer le corps, et per­son­ne ne peut le lui ren­dre. Quand la pièce com­mence, l’ac­tion a déjà été jouée, et toute la représen­ta­tion restera sus­pendue à l’at­tente d’un geste très sim­ple, banal en d’autres cir­con­stances, ici devenu impos­si­ble.

Devant cette sit­u­a­tion, les per­son­nages n’ont, sem­ble- t‑il, plus qu’une arme : la parole. C’est avec les mots qu’ils voudront se défendre, dif­férant au plus tard des aveux trop lourds et incer­tains. La scène de leur impuis­sance va se peu­pler de la foule de leurs acci­dents de lan­gage : une parole répéti­tive, obses­sion­nelle va s’in­staller et les met­tre à nu, plus crû­ment qu’au­cune intrigue n’au­rait su le faire.

Une pièce située aux fron­tières du théâtre, si l’on pense que le théâtre c’est l’ac­tion. Mais juste­ment l’ac­tion, ici, c’est la parole, une parole active et déchirée, fis­surée, emprun­tée, une parole qui ne cesse de vouloir cacher la peur et con­tourn­er les pen­sées secrètes que l’on n’ose même pas avoir.

Un ter­ri­toire d’an­goisse et de soli­tude, dit Bernard Koltès. Oui, mais aus­si un théâtre comique où l’en­jeu est d’échap­per à l’en­jeu, où tout est fait — efforts mis­érables, men­songes à soi-même, lâchetés — pour fuir le prob­lème sim­ple qui est posé dès la sec­onde réplique du texte et qu’on ne peut ni résoudre ni con­tourn­er : ren­dre ce corps, mais aus­si vivre, et pou,·quoi pas, pen­dant qu’on y est, com- pren­dre l’Afrique.

Et voici Cal et Horn sai­sis de l’en­vie féroce de ne pas se met­tre en dan­ger ni de pass­er pour des idiots, évi­tant résol­u­ment tous les prob­lèmes qu’ils n’ont pas les moyens d’af­fron­ter : ces gens-là tirent depuis longtemps déjà à décou­vert sur le compte de leur exis­tence. Alors, absence de pré- médi­ta­tion, vie au jour le jour, à la minute près, dans la sur­prise de tous les instants qui passent et les trou­vent secrète­ment dému­nis, petites amnésies et dis­trac­tions au fond des- quelles on n’ad­met de par­ler à l’autre ou seule­ment même de l’é­couter que si on peut lui infliger, comme en retour, la défaite intime qu’il vous a fait subir.

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