Entretien de Bernard-Marie Koltès

Entretien de Bernard-Marie Koltès

Le 27 Sep 1995
Francis Rideau Besson, Iima De Witte. COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, mise en scène Pierre Laroche, de Bruxelles, 1984.
Francis Rideau Besson, Iima De Witte. COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, mise en scène Pierre Laroche, de Bruxelles, 1984.

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Francis Rideau Besson, Iima De Witte. COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, mise en scène Pierre Laroche, de Bruxelles, 1984.
Francis Rideau Besson, Iima De Witte. COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, mise en scène Pierre Laroche, de Bruxelles, 1984.
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Cet entre­tien a paru dans Le Monde en févri­er 1983, sous le titre « Com­ment porter sa con­damna­tion », quelques jours avant la pre­mière de COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, dans la mise en scène de Patrice Chéreau.

Chez Bernard-Marie Koltès, aux murs sont accrochés des por­traits de Jack Lon­don, Bob Mar­ley, Bruce Lee, Bob de Niro, Burn­ing Spear. Il écoute du reg­gae. Le télé­phone sonne : il répond en espag­nol. Sur la table de tra­vail se trou­ve une petite pho­to couleur encadrée : un hangar bâti sur pilo­tis, dans l’an­cien port de New-York, le lieu de sa prochaine pièce tout comme le chantier français per­du en Afrique était le point de départ de COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS.

Hervé Guib­ert : Vous avez écrit votre pièce en 1979- 1980, elle est jouée main­tenant en 1983 ; de quelle façon le temps a‑t-il pu pass­er sur elle, ou la mar­quer ?

Bernard-Marie Koltès : D’habi­tude, pour LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS par exem­ple, si je ne me force pas, au bout d’un an, j’ou­blie ce que j’ai écrit. Cette pièce-là tout
en cher­chant à garder un intérêt pour elle, et à l’en­tretenir, je m’en suis détaché, je la relis comme une pièce étrangère. Mais la voir jouée m’ap­porte un regain d’in­térêt : je revois des choses que j’avais oubliées, un peu classées. Si je suis dis­tant par rap­port à la pièce, je ne le suis pas par rap­port au spec­ta­cle, et c’est ce qui me per­met d’aller aux répéti­tions sans souf­frir, de pou­voir sans effort me ressou­venir de mes pre­mières impres­sions pour les trans­met­tre aux acteurs.

Décou­vrir ses défauts, aus­si, me rend un grand ser­vice pour la pièce que je suis en train d’écrire. Je voulais que les deux per­son­nages mas­culins, Horn et Cal, par­lent ensem­ble, et après avoir écrit ce qu’ils dis­aient, j’ai dû chercher ce qui les avait réu­nis, et je les ai placés devant une table de jeu. Ce genre de truc ne marche que s’il est vrai­ment issu du dia­logue et de sa rai­son d’être, non d’une façon extérieure. Si je devais faire rejoue,· les per­son­nages, il faudrait que, par leur jeu, il se passe quelque chose. Il faut trou­ver les actions dans un rap­port plus dialec­tique avec le lan­gage.

Le Noir, qui vient chercher le corps de son frère ne m’est apparu qu’à la presque fin du tra­vail. Je voulais que le Noir entre dans l’en­droit, j’é­tais attaché à la notion d’en­tête­ment, et d’un lan­gage clair, d’une manière directe de voir les choses. A la fin, de toutes les évi­dences, il n’en est plus resté qu’une seule : il fal­lait que le Noir vienne récla- mer quelque chose. Et ce motif, issu de la pièce, a pu la faire rebondir, il n’é­tait plus sim­ple­ment un truc.

H. G. : Mais est-ce que le change­ment de gou­verne­ment, par exem­ple, qui est inter­venu entre le moment où la pièce a été écrite et celui où elle est jouée1, n’a pas pu émouss­er un peu ses vio­lences ?

B.-M. K. : Je ne crois pas. Le fait qu’il s’agisse d’un chantier de travaux publics étranger au Nige­ria ne change rien aux rap­ports de vio­lence entre les entre­pris­es des pays occi­den­taux et l’Afrique. Le cadre n’est pas de gou­verne­ment à gou­verne­ment. Et je suis con­tent que le lieu d’o­rig­ine de la pièce ne soit pas un pays faible, ni colonisé. Le Nige­ria est un pays fort, de pointe, mais com­plète­ment envahi par les entre­pris­es améri­caines et français­es. Le néo-colo­nial­isme n’est pas le sujet de la pièce : on peut, bien sûr, en appro­fondir toutes les direc­tions, même si clics n’y sont pas directe­ment traitées.

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