Nous appellerons « Espace minimum requis » le volume nécessaire et indispensable pour essayer, faire et défaire, pour pratiquer notre métier de théâtre. Nous appellerons « compagnie » une personne et une seule qui réunit, à l’occasion d’un spectacle, un groupe de gens du métier. Cette personne va vite et fait tout pour donner l’illusion du nombre.
En 1985, en créant ma compagnie, j’avais pris soin de construire, donc de définir, un lieu, un espace : le théâtre du quai de la gare. Les désarrois et les dérives de mes cheminements me paraissaient momentanément stoppés : comme pour un peintre, un support existait. Aménagé dans le jeu et le hasard des rencontres à l’issue d’un stage, ce théâtre a, durant trois saisons, constitué la base d’un foisonnement de création. Beaucoup de « jeunes » auront traversé et emprunté cette marche curieusement ignorée des pouvoirs publics. Le temps n’était pas encore venu des interrogations sur « la relève » , ou bien nos aspirations étaient volontairement brouillonnes, donc vivantes et difficilement cernables. La profession s’étonnait de l’absence de prise de risque ; il nous semblait pourtant que dans cet écart, cette marge, nous ne faisions que cela. C’est de ce lieu que j’ai pu appréhender d’une manière concrète le rapport entre la démarche et le terrain. Il me semblait qu’un organisme marchait mieux qu’une unité. De saison en saison, ce fonctionnement d’un partage des tâches, d’un échange, me semble être une réponse aux effondrements des statues trop lourdes. Dès ma première subvention, l’état volant de ma compagnie m’a obligé à reconsidérer un espace. Nous avons alors redécouvert les vertus de la légèreté : coup de production réduit pour une occupation d’un réseau national et international, à l’image d’un groupe de joueurs spécialisés.
Du Quai de la gare à l’utopie
Le 28 Juin 1991

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