Quelques pages arrachées d’un journal de bord

Quelques pages arrachées d’un journal de bord

Le 20 Juin 1991
Olivier Py, Xavier Brière, Bruno Marchand, Danielle Chinsky. POLYEUCTE. Photo Elisabeth Carecchio
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Olivier Py, Xavier Brière, Bruno Marchand, Danielle Chinsky. POLYEUCTE. Photo Elisabeth Carecchio
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Article publié pour le numéro
Mettre en scène aujourd'hui-Couverture du Numéro 38 d'Alternatives ThéâtralesMettre en scène aujourd'hui-Couverture du Numéro 38 d'Alternatives Théâtrales
38
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18 février

Troisième ren­dez-vous avec M., troisième décep­tion : il n’a tou­jours pas lu la pièce ni le dossier, il ne sait même plus de quoi il s’ag­it vrai­ment. Coup d’œil impérieux de Danielle, je ravale ma chique et reprends pour la énième fois mon petit laïus comme si de rien n’é­tait, avec l’en­t­hou­si­asme et la fraîcheur qu’un directeur de salle est en droit d’at­ten­dre d’un « jeune met­teur en scène » en sit­u­a­tion de demande.
Hoche­ments de tête com­préhen­sifs, sourires du genre « mais oui, je vous entends, qu’est-ce que nous sommes intel­li­gents ! ». Le pro­jet le pas­sionne. C’est tout à fait ce qu’il aimerait faire dans sa salle, il serait telle­ment heureux de col­la­bor­er avec moi, mal­heureuse­ment, la sai­son prochaine est qua­si­ment bouclée et les dif­fi­cultés actuelles étant ce qu’elles sont… Suit un long mono­logue sur les souf­frances d’un directeur de théâtre, l’in­com­pé­tence du Min­istère, la désaf­fec­tion du pub­lic, etc.
Danielle et moi hochons et sou­ri­ons, com­patis­sants et hyp­ocrites.
Le mono­logue tire au tun­nel, je prof­ite…

Mer­ci pour ce très beau texte, riche, vivant, pas­sion­né, et plein de nuances ! Je te pro­pose une cor­rec­tion orthographique com­plète, en gar­dant le style, le ton et la syn­taxe le plus fidèle­ment pos­si­ble.

Je prof­ite d’une res­pi­ra­tion pour embray­er sur notre pro­jet, Danielle demande des pré­ci­sions, on lui tire les vers du nez, il finit par lâch­er le morceau :
— « Et puis, il n’y a per­son­ne dans votre dis­tri­b­u­tion qui puisse tit­iller la presse. » (sic)
Je blêmis, bafouille, tente de m’étonner cour­toise­ment qu’on puisse éla­bor­er un tant soit peu une dis­tri­b­u­tion selon des critères autres (surtout médi­a­tiques…) que la cohérence d’un pro­jet (et, bien sûr, le tal­ent des per­son­nes), ou qu’on puisse con­fon­dre pro­gram­ma­tion et stratégie de com­mu­ni­ca­tion, ou encore spec­ta­teur de théâtre et plumi­tif de cri­tique dra­ma­tique.
J’aurais aimé lui sug­gér­er qu’il serait bon qu’il y ait enfin (!) — puisqu’il paraît que les salles se vident — une vraie réflex­ion sérieuse et con­crète sur le pub­lic parisien et les moyens de le ®amen­er au théâtre, quitte à inven­ter (OK, beurk : la sociocul’) de nou­velles voies, de nou­velles approches — cf. pas mal de struc­tures provin­ciales qui (certes dans d’autres con­textes, mais quand même) ont là comme ailleurs pas mal d’années d’avance sur la cap­i­tale, etc. etc.
Mais rien à faire, M. est soudain très pressé, un autre ren­dez-vous l’attend :
— « Tenez-moi au courant », ser­re­ments de pince, exit.

25 février

Après l’ère de la soi-dis­ant hégé­monie de la mise en scène, on en reviendrait, depuis quelques années, paraît-il, au texte, « rien qu’au texte » (et à l’acteur, mais c’est encore une autre his­toire). Dic­ta­teur méga­lo­mane repen­ti, le met­teur en scène renonce désor­mais à pren­dre ses désirs pour la réal­ité et expie ses années de jeunesse débridée en se met­tant hum­ble­ment au ser­vice du texte, pour que résonne enfin, dans toute sa pureté, entre les qua­tre murs du théâtre, la divine parole de l’Auteur…

Je com­prends bien ce qu’il y a der­rière ce type de dis­cours (ras-le-bol du spec­tac­u­laire osten­ta­toire et racoleur devenu mon­naie courante dans cer­taines maisons, notam­ment les plus cos­sues, aux dépens des véri­ta­bles enjeux de l’œuvre représen­tée), mais je ne peux jamais l’entendre sans quelque sus­pi­cion… Est-ce vrai­ment un hasard si ce sont (en général) les incom­pé­tents de la mise en scène, ceux qui de toute évi­dence ne savent pas quoi faire d’une pièce, qui nous rabat­tent les oreilles avec leur « efface­ment der­rière l’auteur » ?

"Philippe Demarle, Emmanuelle Brunschwig BRITANNICUS. Photo Jean-Pol Dupuis
“Philippe Demar­le, Emmanuelle Brun­schwig BRITANNICUS. Pho­to Jean-Pol Dupuis

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