Attente d’écriture

Non classé

Attente d’écriture

Le 12 Juin 1994

A

rticle réservé aux abonné.es
Article publié pour le numéro
Le monologue-Couverture du Numéro 45 d'Alternatives ThéâtralesLe monologue-Couverture du Numéro 45 d'Alternatives Théâtrales
45
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minitieux, offrez-nous un café ☕

On voudrait écrire, on en meurt d’en­vie. Pas­sion, ivresse, intérieure néces­sité, curiosité devant ce qu’on est capa­ble de met­tre en bran­le, défi expec­tatif qu’on se lance à soi- même, ambi­tion, bien sûr naïve, inavouée peut-être ou que seule­ment l’on évoque avec réti­cence, ironie, je m’voy­ais déjà en haut de l’af­fiche, orgueil, plus inavouable encore, lorsqu’on veut faire sur­gir de son tra­vail ce que nul autre ne pour­rait et qui au monde réson­nera, et qui paiera ce qu’on endure de l’ex­is­tence, chi­enne de vie dans bahut de mis­ère sur cette planète qui tourne sur elle-même en vingt-qua­tre heures sans jamais nous présen­ter vrai­ment sa face lumineuse, ou bien l’on veut régler ses comptes, avec soi, soi d’abord, ou son père, et la loi, et Dieu même, et la poix, l’ig­no­ble fiente pois­seuse qui s’é­coule tous les jours sous le nom de lit­téra­ture, l’une ou l’autre de ces raisons ou toutes mêlées, ou l’an­goisse encore de ne pou­voir trou­ver rai­son en dehors de ce qui s’écrira, qu’im­porte : le désir est là, mais per­son­ne, hormis nous-mêmes, n’en attend rien. Malaise. On était prêt à apos­tro­pher l’hu­man­ité entière, et l’on s’aperçoit qu’on est seul.

Que per­son­ne n’at­tende rien, c’est sans doute beau­coup dire : il faut bien que la lit­téra­ture trou­ve à se per­pétuer. Mais c’est une attente sans objet, une pure disponi­bil­ité, à peu près comme quand — ça arrive — quelqu’un désire être amoureux : sur qui se fix­era ce désir ? Pourquoi pas sur nous ? Mais pourquoi s’ar­rêterait-il sur nous, qui n’avons encore rien mis en forme de ce qui nous tra­vaille, ou si peu ?

Seul on écrit alors : un poème, un roman, des nou­velles, un dés­espoir qui cause. Du théâtre ? Vous n’y songez pas. Réfléchissez à la dépense, toutes ces bouch­es à nour­rir pour qu’elles pronon­cent sur la scène les mots que vous aurez choi­sis. Plaisan­tin ! Onaniste ! Fils prodigue ! Et qui vous lirait, puisqu’on n’édite pas les pièces ? Et qui vous édit­erait, si vous n’êtes pas joué ?

C’est qu’a­vant de ren­con­tr­er son pub­lic, le texte dra­ma­tique n’est guère qu’une latence, qui a besoin des formes de la scène pour man­i­fester pleine­ment ses effets : un lan­gage — dira-t-on poten­tiel ? — qui n’ex­iste en sa fonc­tion pro­pre que s’il réus­sit à en sus­citer d’autres, de lumière, d’e­space, de présence et de chair. Voici qui com­plique la demande. Car si l’on ne sup­pose pas d’un édi­teur que, par son tra­vail, il ajoute à votre œuvre, mais plutôt qu’il la dif­fuse en con­va­in­quant sa clien­tèle que le texte imprimé cor­re­spond à son hori­zon d’at­tente, pour l’écrit théâ­tral il faut davan­tage, puisque celui-ci devra d’abord emporter l’ad­hé­sion d’un entre­pre­neur de spec­ta­cles et d’un créa­teur autre, puisqu’il est un appel à la pro­duc­tion — coû­teuse — d’autres signes.

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Non classé
2
Partager
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements