EN ILLUSTRATION de couverture à SIMENON, la dernière pièce de Jean Louvet publiée aux Editions Lansman, une photographie. Portrait de famille, ceux pour lesquels on revêtait ses plus beaux habits ( « Georges ! Georges ! Tu vas encore te salir. Je t’ai habillé comme un prince » ). Sur le banc de l’atelier d’un photographe de Liège, vers 1910, à gauche le père, la mère à droite. Entre eux et comme les séparant, l’aîné, Georges Simenon, debout bras croisés sur la poitrine, défiant l’œil de l’objectif de ses deux petits yeux noirs ( « Ma mère ne les aime pas, ainsi en a voulu le destin. De petits yeux pour voir loin » ), abyssaux. Le cadet est appuyé entre les genoux du père. L’homme er les deux garçons forment un bloc que le noir uniforme de leurs vêtements rend monolithique. La mère seule est détachée, corps exilé qui ne fair pas corps. La mère, Henriette Brüll, celle qui pleure sans raison, la timide, la penchée « comme les arbres des Flandres » , treizième enfant d’une famille ruinée, un mari médiocre à la fleur de l’âge ( « Ton père a toujours marché à petits pas, / quoi que tu en dises, / comme les vieux sur le trottoir par temps de neige, / homme de neige par neige sale.(…) Même pas le courage de prendre une assurance-vie. » ), un fils qui s’en va, un autre qui se fair ruer, ses petits-enfants dispersés aux quarre coins du monde. i’avant-dernier tableau de la pièce s’achève sur ce dialogue entre Maigret (mi-homme, mi-bête, couvert de feuilles, plus grand que nature, sans visage) et la mère de Simenon : « Je cherche mon petit garçon. Il a disparu. – Depuis quand ? – Je ne sais pas exactement. – A‑r i ! des jeux, des habitudes ? – C’est un enfant sauvage et fier. – Ce marin, votre enfant a téléphoné. Il va vous écrire. – M’écrire ? – Oui, il va écrire, vous écrire. – Quand ? – Toute sa vie. Soyez attentive. »
En noir et blanc pour retrouver les couleurs du mond (Une fiction du souvenir)
Sur « Simenon » de Jean Louvet
Le 20 Déc 1994