CLAUDIA CROON : Tout d’abord, j’aimerais savoir pourquoi vous avez choisi de mettre en scène cette pièce de Werner Schwab : FAUST : MON THORAX : MON CASQUE ?
Thomas Thieme : La proposition de créer la pièce est venue directement de Werner Schwab. J’étais en train de faire la mise en scène des PRÉSIDENTES au Schauspielhaus de Bochum lorsque j’ai fait sa connaissance. C’était environ douze ou dix-huit mois avant sa mort. J’avais lu deux ou trois de ses pièces qui m’avaient laissé une impression assez contradictoire. D’un côté, je trouvais très intéressante cette langue faite d’amalgames de mots et de l’autre, je me disais que tout ça était plutôt vague. Puis nous avons eu deux rencontres très fructueuses dans le contexte de ma mise en scène et c’est ensuite qu’il m’a proposé son FAUST.
C. C.: Avez-vous parlé avec Werner Schwab de son style d’écriture ?
T. T.: Non, on ne parlait pas du tout de ses pièces. On parlait de toutes sortes de choses, la boisson, les femmes, ses deux sujets préférés. Je crois qu’il est impossible de parler avec un auteur fort de la forme qu’il choisit. Jamais je ne discuterais avec Müller de l’esthétique de ses textes. C’est superflu, puisque l’écriture est très précise. Et au cas où j’aurais encore des questions, je les poserais plutôt aux gens qui font des recherches sur Müller ou Schwab, ils en parlent beaucoup mieux.
C. C.: Le texte en soi vous suffisait donc ?
T. T.: Tout à fait. Surtout ce texte-là qui est très différent des textes précédents. Ils sont placés dans un certain contexte, on peut les rapprocher d’un théâtre, disons, folklorique. FAUST est tout à fait différent. Je ne sais pas comment on pourrait le classer, en tout cas, c’est le début d’un autre Schwab. Malheureusement, c’est presque aussi la fin puisque Werner est mort peu de temps après.
C. C.: Comment avez-vous abordé le travail sur la pièce ?
T. T.: Pour ce texte, Goethe est évidemment incontournable ; de plus, j’étais en train de jouer Méphisto, à l’époque. Je baignais donc dans la matière.
C. C.: Quel est à votre avis le lien entre FAUST et la situation actuelle en Allemagne ?
T. T.: Je vais dire quelque chose qui ne va pas vous paraître très nouveau : Faust est certainement le personnage le plus allemand qui soit, écrit par l’auteur le plus allemand. S’il y a un personnage qui illustre parfaitement notre tendance à nous Allemands à vouloir comprendre le monde et à toujours échouer à cause de notre provincialisme, c’est bien Faust. Mais je ne voudrais pas entrer dans les polémiques qu’il y a actuellement sur l’Allemagne et sur Goethe.