FRANZOBEL réussit l’équation peu commune d’écrire dans une langue savante et populaire à la fois. D’aucuns affirmeront que sa langue est d’un philologue, d’autres qu’il écrit une langue orale.
Il se pourrait que les uns et les autres aient raison, que l’opposition entre savant et populaire soit une coupure assez récente. Pourquoi opposer l’une à l’autre ? Rabelais par exemple, savant ou populaire ? Depuis quand ?
Je ne suis pas qualifié pour écrire l’histoire du gâchis issu de « enfin Malherbe vint » ; moins encore pour parler des parlers allemands. Ce que je crois savoir est que l’irruption fulgurante de Werner Schwab dans l’écriture de langue allemande s’inscrit dans une lignée, dans un arbre généalogique enchevêtré auquel appartient aussi Franzobel lequel déboule à son tour dans notre paysage théâtral, singulier, unique il est vrai, se réclamant toutefois explicitement de Schwab, de Jandl, de Hermmanovsky Orlando, de Thomas Bernhard, plus implicitement de Konrad Bayen … dans KAFKA UNE COMÉDIE, du Volkstück aussi, un genre éminemment autrichien, de l’Allemagne du Sud et de l’Italie du Nord.
Franzobel se veut dans la diversité d’une langue, l’allemand tel qu’il se parlait dans l’Empire austro- hongrois, une langue infiltrée par des parlers divers, aussi divers que les identités que comptait l’Empire, aussi métissés que les populations entrelacées, des langues à défendre au sein d’une langue.
Cette langue « métissée » résiste aux censures des Académies, aux censures du Congrès de Vienne, les langues de la campagne résistent à la langue de la ville, font des détours, des boucles.
Le parler en boucles (au sens d’une bande-son mise en boucle), la répétition de phrases entières, de séquences même tel que le pratique Franzobel n’est pas un procédé mais, dit-il, une pratique venue de Wels, sa région.
De plus Franzobel fait exploser les mots « importés », ceux de l’américain notamment : marketing devient markeding soit markechose en français.
En un mot Franzobel fait un bon usage du mauvais usage des mots.
L’amour et l’humour des petits mots font les grandes rivières du théâtre.