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Le 19 Juil 1999
Caroline Ebuer et Olivier Masucci dans MALARIA de Simone Schneider, mise en scène Anselm Weber. PhotoMatthias Horn
Caroline Ebuer et Olivier Masucci dans MALARIA de Simone Schneider, mise en scène Anselm Weber. PhotoMatthias Horn
Caroline Ebuer et Olivier Masucci dans MALARIA de Simone Schneider, mise en scène Anselm Weber. PhotoMatthias Horn
Caroline Ebuer et Olivier Masucci dans MALARIA de Simone Schneider, mise en scène Anselm Weber. PhotoMatthias Horn
Article publié pour le numéro
Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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QUAND CELA A‑T-IL COMMENCÉ ? En 1989. Arrivée à Berlin, la ville à laque­lle je m’at­tendais se per­dait. Une île explo­sait, un archipel se for­mait. À l’est, à l’ouest, là où d’or­di­naire la vie pul­sait, la mort sur­gis­sait, sur­prenant des quartiers entiers, tan­dis qu’une fleur incon­nue éclo­sait des ban­lieues. L’im­age d’un monde imbibé de bien-être et de sécu­rité vac­il­lait, la réal­ité fai­sait peau neuve. Le manque d’ex­péri­ence fut le point de départ absolu de mon tra­vail, un désir d’écrire ce qu’il man­quait, la main­mise omni­sciente dans le rien.

Les struc­tures cas­saient, on s’est alors intéressé à ceux qui les sup­por­t­aient, les hommes. Ici le cap­i­tal­isme, là le social­isme, la poli­tique, l’Autre, — le monde était tout d’un coup devenu un miroir brisé, ses morceaux reflé- taient les éclats d’une per­son­ne gui regar­dait au tra­vers d’un prisme nou­veau le con­tre­type cubiste de son inté­gri- té per­due. L’u­nité défor­mait, les nou­veaux pro­tag­o­nistes adop­taient des attirudes bizarres. Quel soulage­ment pour un auteur-témoin de son époque de se voir tout d’un coup com­plète­ment délivrée du fardeau de la répro­ba­tion. L’époque venait à la ren­con­tre de son sen­ti­ment de n’être rien d’en­tier, mais plutôt d’être com­posée d’une plu­ral­ité de per­son­nal­ités, de plateaux, de rapi­des impromp­tus peu­plés de per­son­nages qui for­ment d’abord un univers.

Lente­ment, l’ex­péri­ence tis­sait sa toile esthé­tique, poli­tique et per­son­nelle pour com­pos­er sa pro­pre con­cep­tion du drame. À la recherche des pères, le regard ne ren­con­trait que des élé­ments de répons­es pos­si­bles. Les textes vrai­ment forts se car­ac­téri­saient jusqu’au dés­espoir par la dis­tance tem­porelle qui les séparait de nous, ils n’é­taient pour la plu­part jamais éter­nels, mais oppor­tuné­ment par­ti­sans et à chaque fois incom­pat­i­bles avec la sen­si­bil­ité de l’époque con­tem­po­raine. L’a­ban­don total au moment présent était la seule chose que l’on puisse retir­er de ses lec­tures. À la ques­tion de la forme, elles appor­taient peu de répons­es. Ou plutôt, il exis­tait une for­mule secrète, trou­vée pour eux-mêmes par cha­cun des auteurs que j’ad­mi­rais, Euripi­de, Büch­n­er, Brecht, pour reli­er le Tout avec eux-mêmes. Ce qui me plai­sait était tou­jours la façon par­ti­c­ulière dont j’ap­pre­nais que seule importe la manière pro­pre à cha­cun, que le réc­it est tou­jours lié à l’être même du nar­ra­teur, même dans le drame. Bien que sa forme sem­ble, en com­para­i­son de la prose, bien plus préméditée, on peut jouer et inven­ter avec elle. Sur ce point encore, l’époque nous aidait. Au moment où l’his­toire se met­tait à bouger, sur­gis­saient d’autres his­toires qui, rassem­blées, for­maient d’abord une his­toire. Cela don­nait tou­jours un plan de con­struc­tion qui facilit­erait la nar­ra­tion. En ce moment d’an­nex­ion, les grands con­teurs nous aidaient. Nabokov par exem­ple, qui souhaitait dépein­dre les choses quo­ti­di­ennes « telles qu’elles appa­raîtront dans les gen­tils miroirs des temps futurs. » Le regard vers l’avenir revient sur le présent. Chercher à imag­in­er à quoi ressem­blera une jaque­tte des années 90 le prochain mil­lé­naire, c’est regarder à l’ar­rière des choses.

Le tra­vail n’est pas ter­miné. De pro­jet en pro­jet, on cherche la manière qui nous soit pro­pre d’en­tr­er en réso­nance avec le tout. Mais l’on y parvien­dra peut-être plus facile­ment, si l’on con­sid­ère pos­si­ble de porter son atten­tion par delà les grands blocs mon­di­aux sur les facettes du monde. L’u­nité se trou­ve dans la mul­ti­plic­ité ; et si l’on établit les rela­tions humaines avant tout par rap­port à la rapid­ité des change­ments, peut-être gag­n­eraient-elles en clarté. Il y aura des gag­nants …

Texte traduit par Julie Bir­mant.

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Simone Schneider
Simone Schneider est l'auteur de trois pièces de théâtre donc MALARIA, traduite à l'occasion de...Plus d'info
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