L’aventure de Théâtre Ouvert

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L’aventure de Théâtre Ouvert

Le 1 Juil 1999
Article publié pour le numéro
Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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ALTERNATIVES THÉÂTRALES : Pou­vez-vous décrire le mode de fonc­tion­nement de Théâtre Ouvert dans sa recherche, sa décou­verte et sa pro­mo­tion d’au­teurs d’au­jour­d’hui ?

Pas­cale Gateau : Théâtre Ouvert est un théâtre d’es­sai et de créa­tion et, égale­ment, fonc­tionne, avec la même équipe, comme une mai­son d’édi­tion atyp­ique. Nous recevons par cen­taines des man­u­scrits de France et des pays fran­coph­o­nes. À leur arrivée, nous les enreg­istrons pour en garder une trace et nous les trairons cas par cas après en avoir accusé récep­tion à l’au­teur. Les textes sont répar­tis encre plusieurs mem­bres de l’équipe, et après lec­tures, routes les trois semaines, dans une réu­nion ani­mée par Miche­line Attoun, nous en dis­cu­tons et nous déci­dons de ce que nous pou­vons pro­pos­er. Évidem­ment, la plu­part ne peu­vent aboutir à un pro­jet dans l’im­mé­di­at ; néan­moins, un cour­ri­er est adressé à l’au­teur qui résume notre sen­ti­ment com­mun. Cer­tains font l’ob­jet d’un pre­mier dia­logue avec l’au­teur, qui peut éventuelle­ment débouch­er sur une mise en rela­tion avec des prati­ciens du théâtre.

Ce tra­vail en amont va irriguer plusieurs modes d’ac­tion pro­pres à Théâtre Ouvert : l’édi­tion dans notre col­lec­tion TAPUSCRIT (à rai­son de cinq titres par an en moyenne, tirés à 1000 exem­plaires cha­cun, adressés gra­tu­ite­ment aux pro­fes­sion­nels et ven­dus dans cer­taines librairies spé­cial­isées et aux com­pag­nies indépen­dances), une pra­tique sur le ter­rain dans le cadre des divers­es formes d’es­sai : les mis­es en espace ou les mis­es en voix à l’oc­ca­sion de chantiers ou de cartes blanch­es et, par­fois directe­ment, la créa­tion avec un spec­ta­cle.

Tous ces modes d’ac­tion ont pour but de per­me­t­tre à un auteur de faire le point sur son écri­t­ure et de sen­si­bilis­er les pro­fes­sion­nels et le pub­lic à la dra­maturgie con­tem­po­raine.

Exclu­sive­ment con­sacré depuis sa créa­tion à la pro­mo­tion des écri­t­ures d’ex­pres­sion française, Théâtre Ouvert, pour répon­dre à des deman­des européennes et à la néces­sité d’une poli­tique d’échanges, a élar­gi son action aux dra­matur­gies étrangères : la présen­ta­tion la sai­son dernière d’un panora­ma de la dra­maturgie néer­landaise et fla­mande, la pré­pa­ra­tion d’une semaine alle­mande et les con­tacts en Ital­ie, avec Inter­ci­ty, à Lon­dres, avec le Roy­al Court, à Édim­bourg, avec le Tra­verse the­atre, en témoignent.

A.T.: Qu’est-ce qui émerge actuelle­ment pour vous dans le paysage des auteurs dra­ma­tiques français ? Voyez-vous cer­taines ten­dances se dessin­er ? Quels aspects priv­ilégiez-vous dans les œuvres que vous retenez ?

P. G.: Dans les nom­breux textes que nous recevons, la diver­sité et la mul­ti­plic­ité des gen­res et des formes exis­tent. Sou­vent dans ce que nous refu­sons nous trou­vons même des pièces écrites en vers ou imi­tant la langue du théâtre clas­sique ou traduisant un goût pour un théâtre suran­né. À l’év­i­dence, nous avons besoin d’ad­hér­er aux œuvres avec lesquelles nous allons avoir un par­cours.

Après la vague de l’in­time, chez la plu­part des jeunes aureurs les prob­lé­ma­tiques ten­dent peu à peu à évoluer vers des préoc­cu­pa­tions un peu plus sociales et un peu moins nom­brilistes — on par­le plus volon­tiers des exclus, des ban­lieusards, de la vie dans les cam­pagnes, des mal­adies qui, pour cer­taines, ont des réper­cus­sions dans notre société. Se dégage une human­ité plus con­cernée par son envi­ron­nement, sa rela­tion à l’autre dans la col­lec­tiv­ité, son rap­port au monde. Et même s’il existe tou­jours les « désen­chan­tés » qui décrivent un monde noir et dés­espéré, le traite­ment se fait avec une dis­tance, plus humoris­tique, le ton s’es­saie au rire.

Aujour­d’hui on peut con­stater que, par manque de pro­pos, beau­coup abor­dent le mythe. Rares sont ceux qui arrivent à exploiter cerce forme de représen­ta­tion du monde avec per­ti­nence. Un beau con­tre-exem­ple est la pièce d’Eugène Durif, MEURTRES HORS CHAMP qui incor­pore le mythe d’Élec­tre.

Quelques jeunes aureurs priv­ilégient un tra­vail formel sur la langue ec la struc­ture théâ­trales. Par­mi eux on repère vite les influ­ences : Vinaver, certes, Kol­rès, er plus récem­ment Philippe Minyana.

Chez cer­tains un souci de mise en page ou de mise en sit­u­a­tion du texte s’af­firme comme une pri­or­ité ; ce qui rap­proche la tex­ture dra­ma­tique du genre poé­tique. Quelques-uns se recom­man­dent claire­ment de Mal­lar­mé quand d’autres parais­sent mar­qués par l’ex­péri­ence du poète, subis­sant une mode styl­is­tique. Sou­vent ratée, cette démarche paraît fab­riquée, abstraite et par­fois devient une sorte d’en­veloppe du vide, de la poudre aux yeux.

S’il y a eu un grand courant du mono­logue — qui reste d’ailleurs le mode préféré des nou­veaux auteurs (nous avons édité de Lau­rent Gaudé ONYSOS LE FURIEUX et de Joris Lacoste COMMENT CELA EST-IL ARRIVÉ?)- il sem­ble quelque peu dis­paraître au prof­it du dia­logue. Notam­ment Noëlle Renaude dans FICTION D’HIVER(un texte en cours d’écri­t­ure qui fera l’ob­jet du Chantier n°9) tra­vaille un dia­logue qui génère sa fic­tion.

Dans nos choix, nous priv­ilé­gions les auteurs qui ques­tion­nent la représen­ta­tion théâ­trale, qui explorent de nou­velles dra­matur­gies et de nou­velles écri­t­ures, même si l’ex­péri­ence reste frag­ile, incer­taine et inachevée. Et cela sans pour autant nous couper des auteurs avec lesquels nous avons déjà un par­cours.

La thé­ma­tique par­tic­i­pant de la forme, le pre­mier regard se fait sur l’écri­t­ure. Le « de quoi par­le-t-on ? » est moins pri­or­i­taire pour nous que le « com­ment par­le-t-on ? » Ce qui ne veut pas dire que la ques­tion du sen­si­ble est exclue. En théorie, on pour­rait dire que les œuvres que nous priv­ilé­gions sont celles d’au­teurs qui, selon nous, s’arrangent le mieux avec ces deux inter­ro­ga­tions.

Dans la pra­tique, nous choi­sis­sons égale­ment des textes qui sont por­teurs d’u­nivers forts et sin­guliers et qui ne témoignent pas néces­saire­ment d’une dra­maturgie nova­trice. Grâce à ce tra­vail de lec­ture de man­u­scrits, de dia­logue avec les auteurs ec de mise en rela­tion avec des prati­ciens, notre mis­sion est de par­venir à ce que l’écri­t­ure dra­ma­tique puisse se con­fron­ter le plus favor­able­ment pos­si­ble au plateau et, idéale­ment, aboutir à la créa­tion.

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