François,
Je ne sais pas trop quoi dire parce que je te connais surtout en vivant ce que nous faisons. J’ai de toi sous les yeux le texte de ViE DE MYRIAM C. que tu as écrit et que j’ai mis en scène. « La vie qu’elle menait, qu’est-ce qu’ils en savaient ? », cette première phrase ouvre ta pièce. Plus loin, Myriam, la vraie, celle qui aujourd’hui n’est plus vivante, répond avec ces mots écrits par elle confiés à toi par le « camarade écrivain » : « ma vie est trop lourde pour vous, les gens normal ».

Je ne connaissais pas Myriam. À Lodève où tu m’as fait venir parce qu’elle y a vécu et qu’elle y est morte, tu m’as emmené sur sa tombe faite par Bebel, son beau-père que j’ai vu aussi avec la mère de Myriam. Puis nous avons diné dans ce petit restaurant de la sœur de Myriam à Montpellier. Tous ceux-là sont dans ca pièce.
Je n’avais encore jamais éprouvé une telle coïncidence de vérité entre toi, les personnes, les personnages.
Moi, violemment intimidé dans cette exigence de l’hommage à la douleur des vivants Toi, si sourcilleux d’exigence de vérité du mouvement de la langue et du mouvement de la vie. « Les mots sont comme la vie » écrit notre ami Bernard Nocidans LE SYNDROME DE GRAMSCI.
Tu portes en toi cette annonce jusqu’à comblement de qui te lit, et qui r’entend, et qui te connaît.
Je te connais aussi dans l’atelier d’écriture que tu as conduit à Nancy, au théâtre, avec ceux qui sont venus écrire et se représenter eux-mêmes face aux autres de la ville.
Je connais la tension qui te porte à montrer la ville, la vie avec les regards et les corps de ceux qui sont errants ou enfermés. Je connais la tension qui te porte à donner un sens aux mots de la tribu, à jeter les mots justes contre les choses fausses.
Je sais cela parce que j’en ai vu et pratiqué avec toi le mouvement.
Il y a quelques jours à Nancy, tu étais là au milieu de nouveaux volontaires à dire l’urgence. Ceux-là n’étaient jamais venus au théâtre, ceux-là vont t’entendre parler de Kafka, de Novarina, de Perec, de Koltès ou de Rabelais.
Tu vas encore leur donner envie, comme tu l’as fait pour Alain Vandamme, qui est le seul à avoir rendu hommage à son ami SDF, mort à Nancy, le casque de son walkman lui collait aux oreilles, on ne pouvait plus l’enlever.
Alain a écrit pour son ami Johnny. Ce jour-là, voyant que des nouveaux prenaient la place des autres de l’an dernier et qu’une partie de ceux de l’an dernier étaient à leur côté pour apaiser leur émotion, j’étais bouleversé parce je comprenais pourquoi les mots sont la vie même. Les mots comme le sang. Et qu’il ne faut pas les perdre. Les oublier. Tu es de ceux qui n’oublient jamais cela.