Lettre à François Bon

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Lettre à François Bon

Le 3 Juil 1999
Article publié pour le numéro
Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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François,

Je ne sais pas trop quoi dire parce que je te con­nais surtout en vivant ce que nous faisons. J’ai de toi sous les yeux le texte de ViE DE MYRIAM C. que tu as écrit et que j’ai mis en scène. « La vie qu’elle menait, qu’est-ce qu’ils en savaient ? », cette pre­mière phrase ouvre ta pièce. Plus loin, Myr­i­am, la vraie, celle qui aujour­d’hui n’est plus vivante, répond avec ces mots écrits par elle con­fiés à toi par le « cama­rade écrivain » : « ma vie est trop lourde pour vous, les gens nor­mal ».

Serge Maggiani, Hélène Roussel, Annie Mercier dans LA VIE DE MYRIAM C. de François Bon, mise en  scène Charles Tordjman. Photo Eric Didyim.
Serge Mag­giani, Hélène Rous­sel, Annie Merci­er dans LA VIE DE MYRIAM C. de François Bon, mise en scène Charles Tord­j­man. Pho­to Eric Didy­im.

Je ne con­nais­sais pas Myr­i­am. À Lodève où tu m’as fait venir parce qu’elle y a vécu et qu’elle y est morte, tu m’as emmené sur sa tombe faite par Bebel, son beau-père que j’ai vu aus­si avec la mère de Myr­i­am. Puis nous avons diné dans ce petit restau­rant de la sœur de Myr­i­am à Mont­pel­li­er. Tous ceux-là sont dans ca pièce.

Je n’avais encore jamais éprou­vé une telle coïn­ci­dence de vérité entre toi, les per­son­nes, les per­son­nages.

Moi, vio­lem­ment intimidé dans cette exi­gence de l’hom­mage à la douleur des vivants Toi, si sour­cilleux d’ex­i­gence de vérité du mou­ve­ment de la langue et du mou­ve­ment de la vie.  « Les mots sont comme la vie » écrit notre ami Bernard Noci­dans LE SYNDROME DE GRAMSCI.

Serge Maggiani, Hélène Roussel, Annie Mercier dans LA VIE DE MYRIAM C. de François Bon, mise en  scène Charles Tordjman. Photo Eric Didyim.
Serge Mag­giani, Hélène Rous­sel, Annie Merci­er dans LA VIE DE MYRIAM C. de François Bon, mise en scène Charles Tord­j­man. Pho­to Eric Didy­im.

Tu portes en toi cette annonce jusqu’à comble­ment de qui te lit, et qui r’en­tend, et qui te con­naît.

Je te con­nais aus­si dans l’ate­lier d’écri­t­ure que tu as con­duit à Nan­cy, au théâtre, avec ceux qui sont venus écrire et se représen­ter eux-mêmes face aux autres de la ville.

Je con­nais la ten­sion qui te porte à mon­tr­er la ville, la vie avec les regards et les corps de ceux qui sont errants ou enfer­més. Je con­nais la ten­sion qui te porte à don­ner un sens aux mots de la tribu, à jeter les mots justes con­tre les choses fauss­es.

Je sais cela parce que j’en ai vu et pra­tiqué avec toi le mou­ve­ment.

Il y a quelques jours à Nan­cy, tu étais là au milieu de nou­veaux volon­taires à dire l’ur­gence. Ceux-là n’é­taient jamais venus au théâtre, ceux-là vont t’en­ten­dre par­ler de Kaf­ka, de Nova­ri­na, de Perec, de Koltès ou de Rabelais.

Tu vas encore leur don­ner envie, comme tu l’as fait pour Alain Van­damme, qui est le seul à avoir ren­du hom­mage à son ami SDF, mort à Nan­cy, le casque de son walk­man lui col­lait aux oreilles, on ne pou­vait plus l’en­lever.

Alain a écrit pour son ami John­ny. Ce jour-là, voy­ant que des nou­veaux pre­naient la place des autres de l’an dernier et qu’une par­tie de ceux de l’an dernier étaient à leur côté pour apais­er leur émo­tion, j’é­tais boulever­sé parce je com­pre­nais pourquoi les mots sont la vie même. Les mots comme le sang. Et qu’il ne faut pas les per­dre. Les oubli­er. Tu es de ceux qui n’ou­blient jamais cela.

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