Rue du Théâtre Populaire

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Entretien avec Jean-Luc Courcoult

Le 6 Nov 2000
LES CHASSEURS DE GIRAFES, mise en scène Jean-Luc Courcoult, septembre 2000. Photo Pascal Gely.
LES CHASSEURS DE GIRAFES, mise en scène Jean-Luc Courcoult, septembre 2000. Photo Pascal Gely.

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LES CHASSEURS DE GIRAFES, mise en scène Jean-Luc Courcoult, septembre 2000. Photo Pascal Gely.
LES CHASSEURS DE GIRAFES, mise en scène Jean-Luc Courcoult, septembre 2000. Photo Pascal Gely.
Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66
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Fran­cis Peduzzi : Le géant et le petit géant appar­ti­en­nent-ils au monde des mar­i­on­nettes ?

Jean-Luc Cour­coult : Oui, ce sont des mar­i­on­nettes, si on pense celles-ci comme des objets manip­ulés par des mains, à l’aide de ficelles et de mécan­ismes qui leur don­nent vie. Mais ce sont davan­tage que des mar­i­on­nettes : ce sont des per­son­nages réels à qui on par­le. Tous ceux qui aiment leurs mar­i­on­nettes leur par­lent… Ce sont donc de grandes mar­i­on­nettes. Pour­tant, autant j’arrive à dire que les PETITS CONTE NÈGRES emprun­tent à la mar­i­on­nette, autant ça me gêne un peu de par­ler de mar­i­on­nettes avec l’histoire des géants. L’approche et l’impact sont dif­férents. Nous sommes beau­coup plus dépassés, physique­ment, dans le cœur et par les réac­tions boulever­santes du pub­lic.

FP. : En com­para­i­son, on pour­rait dire que les PETITS CONTES NÈGRES étaient une expéri­ence de mar­i­on­nettes clas­siques. Com­ment est venu le désir de les utilis­er ?

J.-LC.: On est venu à la mar­i­on- nette tout sim­ple­ment parce que nous viv­ions dans des vil­lages en Afrique où l’on ne par­lait pas la même langue. La tech­nique des mar­i­on­nettes, – nous n’en n’avions jamais util­isées aupar­a­vant, mise à part l’histoire des géants, mais c’était dif­férent –, nous per­me­t­tait de nous faire com­pren­dre des gens qui étaient autour de nous. En regar­dant les Africains, je me suis aperçu qu’ils étaient tout autant fascinés par le spec­ta­cle que par la machiner­ie : ils voulaient voir et com­pren­dre com­ment ça fonc­tion­nait. C’était un défi que nous n’avions jamais relevé. Je n’en menais pas large au début. Il y a telle­ment de gens qui s’y étaient con­fron­tés avant. Et puis dès qu’on est dans le tra­vail, ça n’importe plus. On n’est plus dans la com­para­i­son mais dans l’action. La réus­site du spec­ta­cle, la qual­ité et le fonc­tion­nement des mar­i­on­nettes pre­naient le pas sur le reste.

FP. : En pas­sant de l’Afrique à l’Europe, as-tu changé des élé­ments du spec­ta­cle ?

J.-LC.: Un tiers du spec­ta­cle a été trou­vé là-bas et on ne l’a pas changé du tout. En arrivant en Europe, j’ai con­stru­it d’autres his­toires qui par­lent davan­tage aux Européens. Les con­tes les plus aboutis, résul­tat d’un tra­vail de six mois, je les ai con­servés et j’ai ensuite dévelop­pé les suiv­ants. Même des con­tes qu’on aurait du mal à présen­ter en Afrique : par exem­ple l’histoire des Couloirs du plaisir, con­te qui revêt une dimen­sion éro­tique. Les Africains ne sont pas habitués à ce genre d’images. Ce serait leur faire quelque peu vio­lence, alors que nous, nous en rions. Si main­tenant je devais trans­porter le spec­ta­cle en Afrique, je serais obligé de le chang­er.

FP. : C’était la pre­mière fois que tu te con­frontais à ce type de tra­vail. Qu’y as-tu décou­vert ?

J.-LC.: Comme dans toute forme d’art, la mar­i­on­nette offre des pos­si­bil­ités qui sont infinies. Tout dépend de sa pro­pre imag­i­na­tion. Ce qui était beau, c’était de décou­vrir que les tech­ni­ciens (bien qu’au Roy­al, les dis­tinc­tions tech­ni­cien / acteur ne soient pas très claires) étaient par­fois bien plus doués que les acteurs pour la manip­u­la­tion. Sans généralis­er non plus : il y avait des acteurs très doués et des tech­ni­ciens très mau­vais aus­si. Dans tout tra­vail artis­tique, on a ten­dance à cod­i­fi­er les mécan­ismes d’expression, ce qui ne m’intéresse pas trop. Les pro­fesseurs dis­ent : « c’est comme ça qu’il faut faire et pas autrement » et ce faisant, passent à côté de beau­coup de choses. Je crois qu’il n’y pas de vérité défini­tive dans ce domaine. Tout est fait pour se déformer et être défor­mé. Il y a cer­taine­ment des principes fon­da­men­taux, mais ceux-ci, on les retrou­ve dans le tra­vail de répéti­tions et pen­dant les représen­ta­tions. J’ai donc préféré me débrouiller tout seul et appren­dre en avançant. Nous nous sommes oblig­és à décou­vrir par nous-mêmes et à nous inven­ter notre pro­pre sys­tème. Et par­fois cer­tains mar­i­on­net­tistes sont venus nous faire part de leur éton­nement, nous avions réus­si à les sur­pren­dre.

FP. : Com­ment s’est déroulée la con­struc­tion des mar­i­on­nettes ?

J.-LC.: Je me suis plongé dans l’étude et j’ai lu beau­coup de livres. J’ai vu qu’il exis­tait dif­férentes tech­niques et j’ai choisi un esprit proche des mar­i­on­nettes chi­nois­es et japon­ais­es. Au Japon, il y a plusieurs manip­u­la­teurs par mar­i­on­nette : pour les bras, pour
les pieds… Faire vivre un per­son­nage en étant plusieurs autour cor­re­spond davan­tage à mon tem­péra­ment et à celui, je crois, de Roy­al de Luxe. Même si ce qu’on en a fait reste très dif­férent des mar­i­on­nettes japon­ais­es.

FP. : Votre dernier spec­ta­cle, LES CHASSEURS DE GIRAFES, s’inscrit-il tou­jours dans ce regard sur l’Afrique ?

J.-LC.: Ce spec­ta­cle, his­toire du petit géant avec la girafe et son girafeau, représente le dernier volet africain, celui qui ne par­le que de l’Afrique. Main­tenant je pense que le petit géant ne peut pas dis­paraître comme ça. L’Afrique sera tou­jours là, mais peut-être qu’elle se mélangera davan­tage avec d’autres choses. En fait, on ne fait que par­ler de ce qu’on a croisé. On ne se sent la pos­si­bil­ité de par­ler que de ce qu’on a ren­con­tré. Je ne me sens encore absol­u­ment pas de par­ler de la Chine.

FP. : Pour ce futur pro­jet du Roy­al de Luxe en Chine, tu vas repar­tir sur la même trame artis­tique qu’en Afrique ?

J.-LC.: Oui, mais ça va sans doute être un autre mélange. D’abord on va être plus nom­breux : nous étions une quin­zaine sur le pro­jet en Afrique, là, nous allons être trente. Il y aura six ou sept Chi­nois en plus des Africains et des Européens. Peut-être qu’il y aura plus de mélange dans le jeu théâ­tral entre les acteurs et les mar­i­on­nettes.

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Jean-Luc Courcoult
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Francis Peduzzi
Francis Peduzzi dirige le Channel, Scène nationale de Calais depuis 1991 qui a accueilli LE...Plus d'info
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