Figures de l’intériorité

Figures de l’intériorité

Le 19 Juil 2002
Paul Savoie et Daniel Parent dans LES TROIS DERNIERS JOURS DE FERNANDO PESSOA d’après Antonio Tabucchi, mise en scène de Denis Marleau, 1997. Photo Brigitte Enguerand.
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Paul Savoie et Daniel Parent dans LES TROIS DERNIERS JOURS DE FERNANDO PESSOA d’après Antonio Tabucchi, mise en scène de Denis Marleau, 1997. Photo Brigitte Enguerand.
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Article publié pour le numéro
Modernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives ThéâtralesModernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives Théâtrales
73 – 74
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PROLOGUE de l’URFAUST. Un chien nous regarde. L’objet fait chien immo­bile devant les spec­ta­teurs présente deux points lumineux qui ont la forme et l’aspect d’un regard mobile, vivant. Ces yeux aux con­tours humains se détachent du fond noir de la scène, con­tre lequel le regard de ce chien-là prend tout son relief. Gar­di­en immo­bile et fig­uré de l’Hadès ; esprit mobile de Méphistophélès qui s’adresse à nous, nous regarde, nous inquiète. Mais qu’est-ce qui inquiète exacte­ment ? La ruse, la machi­na­tion, par laque­lle cet objet-chien fab­riqué – l’artefact infer­nal – va être habité d’une lueur trou­blante, celle qui fait la vie de l’esprit, le pro­pre de l’humain et non de l’inanimé. Et cette lueur sem­ble vouloir se jouer de nous, se servir de notre pas­sive com­plic­ité de spec­ta­teurs pour activ­er une autre machine : le doute, face à cette absence ressen­tie der­rière la trop grande présence du regard. L’image enreg­istrée et pro­jetée de l’œil humain sur ce chien me fait entrevoir ce qui échappe du regard vivant. Chaque appari­tion vidéo­graphique chez Ubu (les bustes qui s’animent soudaine­ment, qui sont ani­més d’un regard) me posera, inlass­able­ment, la même ques­tion, provo­quant le même malaise : qu’y a‑t-il der­rière le regard humain ? Rien, juste­ment, qu’une sorte d’étendue neu­tre à laque­lle nous (le regar­dant) con­férons une human­ité.

Ce que révè­lent cer­taines des plus récentes créa­tions de Denis Mar­leau1 qui tra­vaille à par­tir de l’installation et de la vidéo, dans la lenteur, la pénom­bre et par­fois le silence, réside, me sem­ble-t-il, autour de cette représen­ta­tion du sujet comme le lieu d’une absence. Mais ce sujet comme absence (ou, con­séquem­ment, l’absence faite sujet2, j’y reviendrai) est auréolé, para­doxale­ment, d’une forte présence scénique. Prenons le cas des TROIS DERNIERS JOURS DE FERNANDO PESSOA, où ce sont les iden­tités rêvées et créées par Pes­soa (seul per­son­nage en scène) qui vien­nent le vis­iter au seuil de sa mort. Alvaro de Cam­pos, Alber­to Caeiro, Bernar­do Soares Reis, Anto­nio Mora appa­rais­sent, glis­sent en scène comme des stat­ues inertes, auto­mates ani­més d’un vis­age, fig­ure vivante sur fig­urine inerte. Il n’y a plus de per­son­nage, mais une instal­la­tion plas­tique mobile. Fig­ure qui va être impres­sion­née, illu­minée comme de l’intérieur (mais c’est une illu­sion), de façon à révéler (à la manière d’un révéla­teur pho­tographique) une présence. L’effet de présence est essen­tielle­ment lié à l’expo­si­tion du sujet : le sujet fic­tif est exposé à la fois comme un corps mort, embaumé (car l’objet est plas­tique et esthé­tique), et comme un esprit vivant, autrement dit, non plus per­son­nage mais fig­ure – nature morte – ani­mée (sur­vivant) par le médi­um vidéo­graphique. Une fig­ure sans pro­fondeur mais dotée d’un ray­on­nement mag­né­tique qui la rend sem­blable aux fig­ures en forme d’images men­tales qui habitent les sou­venirs, (comme Denis Mar­leau par­le « d’écran humain3 » pour décrire les sup­ports stat­u­aires)? Ain­si, l’intériorité, chez Ubu, est-elle tou­jours un effet de sur­face et un art de la fig­ure.

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Marie-Christine Lesage
Professeur en théâtre (esthétique scénique et dramaturgie contemporaine) à l’Université de Montréal, Marie-Christine Lesage a...Plus d'info
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