Un théâtre, un quartier, une ville
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Un théâtre, un quartier, une ville

Le 28 Oct 2004
Article publié pour le numéro
Le théâtre dans l'espace social - Couverture du Numéro 83 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dans l'espace social - Couverture du Numéro 83 d'Alternatives Théâtrales
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Entretien avec Christian Machiels

Après avoir participé en 1981 au spectacle LE MOINE de l’Ymagier Singulier, une mise en scène de Thierry Salmon, Christian Machiels travaille de 1984-1994 au bureau de production Indigo. Depuis 1994, il est le directeur du Théâtre de la Balsamine.

Alter­na­tives Théâ­trales : Pour­rais-tu rapi­de­ment balis­er les grandes lignes du pro­jet du théâtre de la Bal­samine ? Il s’agissait d’assurer un trem­plin à de jeunes artistes, des artistes émergeants… Mais avec quel suivi et quelles lim­ites ?

Chris­t­ian Machiels : Il n’y a pas de suivi d’office. Ce n’est pas parce que nous avons présen­té un pro­jet d’une jeune com­pag­nie que nous présen­terons avec elle un 2e, 3e ou 4e pro­jet. Ce que j’essaye de faire, c’est de présen­ter le pro­jet dans les meilleures con­di­tions et de faire en sorte surtout qu’un max­i­mum de mes col­lègues belges, cer­taine­ment, et étrangers voient le tra­vail, en espérant que ce tra­vail puisse aller dans d’autres lieux, que la suite puisse se dérouler ailleurs. J’aime que les artistes voy­a­gent dans dif­férents lieux ; cela n’empêche qu’ils puis­sent revenir, mais ils revien­dront plus rich­es d’expériences, ils auront gran­di et nous aus­si. Les lim­ites sont imposées par le fait qu’on vieil­lit… A un moment on a apporté un sou­tien à de jeunes com­pag­nies, ces jeunes com­pag­nies vieil­lis­sent en même temps que nous. Si les gens par­tent à un cer­tain moment, ils revi­en­nent quand même… Donc, cette poli­tique de sou­tien à de jeunes com­pag­nies se dou­ble d’un sou­tien à ceux qu’on avait aidés à décou­vrir et qui se rajoutent comme une 2e couche à cette volon­té de décou­verte. Donc la Bal­sa a évolué en con­juguant un volet décou­verte à un volet fidél­ité.

Alter­na­tives Théâ­trales : Quand on regarde la pro­gram­ma­tion sur dif­férentes saisons, on trou­ve des pro­jets qui recherchent la con­fronta­tion de dif­férentes dis­ci­plines artis­tiques mais aus­si la con­fronta­tion avec le pub­lic, par exem­ple les pro­jets comme la sai­son des 4 jeud­is ou ven­dredis qui pro­posent des spec­ta­cles en cours d’élaboration et non encore achevés, ou encore des pro­jets comme « Les Chantiers ». Est-ce que ça par­ticipe d’une volon­té de chang­er les modes de pro­duc­tion et de créa­tion du spec­ta­cle ou est-ce lié aux moyens budgé­taires ?

Chris­t­ian Machiels : C’est les deux. Je crois qu’il y a aujourd’hui un phénomène qui est pro­pre à la Com­mu­nauté française, c’est la con­fronta­tion au temps. Entre le moment où des gens ont une idée, un désir de réalis­er un spec­ta­cle et le moment où on le retrou­ve sur le plateau, il peut se pass­er facile­ment entre deux et trois ans. Ce n’était pas le cas aupar­a­vant. On est, nous, oblig­és de pren­dre des déci­sions de plus en plus rapi­des avec les com­pag­nies pour des pro­jets qui auront lieu dans longtemps,parce qu’il faut atten­dre les avis des com­mis­sions, des co-pro­duc­teurs, parce que la mise en marche de tout l’engrenage fait que les choses met­tent un temps fou entre le désir de spec­ta­cle et sa réal­i­sa­tion. Cela ne donne pas néces­saire­ment de bons résul­tats sur le plan artis­tique : l’envie qu’on a à un moment don­né ne peut pas être la même deux ans après — on a changé, le monde a changé… L’idée des 4 jeud­is était de pou­voir dire : tu as un pro­jet, viens la semaine prochaine, viens dans un mois ; il y a moyen de mon­tr­er aux gens ce quart d’heure, ces vingt min­utes, cette demi-heure, comme une urgence. Les artistes pren­nent plus de risque, il y a un enjeu financier qui est moins grand, un enjeu sur la presse et sur le milieu théâ­tral qui est moins impor­tant. Les jeunes artistes osent ouvrir des portes qu’ils n’ouvriraient peut- être pas s’il s’agissait d’un spec­ta­cle fini. Il s’agissait plus sim­ple­ment de dire : venez tra­vailler. Aujourd’hui je le fais encore mais sans le mon­tr­er au pub­lic. Là, il y a tou­jours une con­fu­sion. Quand le pub­lic vient voir ce type de démarche, on a beau lui dire, atten­tion, c’est une petite forme, c’est 20 min­utes, ce n’est pas un aboutisse­ment, ce pub­lic, et même les pro­fes­sion­nels, le prend facile­ment pour argent comp­tant, et ça donne aus­si une image d’un théâtre qui ne fait que ça. Main­tenant je le fais de manière plus privée, ce n’est plus annon­cé au pub­lic, ni à la presse, mais ça se passe encore.

Alter­na­tives Théâ­trales : Mais ce rap­port-là, n’était-il pas por­teur de quelque chose, dans cette idée de la for­ma­tion du pub­lic ?

Chris­t­ian Machiels : Si, mais au stade où on en était, après les « Moissons », après les 4 jeud­is, il fal­lait réin­ven­ter quelque chose entre la petite forme, l’étape de tra­vail et la con­fronta­tion au pub­lic. Ça n’a pas encore été fait.

Alter­na­tives Théâ­trales : Par rap­port aux « Moissons », tu déclarais à la presse : On finis­sait par fab­ri­quer de petits spec­ta­cles sur mesure et ça ser­vait de pré-sélec­tion pour la Com­mis­sion d’aide aux pro­jets théâ­traux. Quelle éval­u­a­tion faire aujourd’hui de ces mul­ti­ples entre­pris­es visant à faire con­naître les artistes émergeants et à leur per­me­t­tre de faire leurs armes ? On a l’impression que la Bal­samine est une mai­son des créa­teurs, mais au-delà ?

Chris­t­ian Machiels : Je pense que les artistes vien­nent ici avec une demande qui est sou­vent finan­cière. J’ai sou­vent l’impression que toute leur énergie, tous leurs efforts se con­cen­trent sur les moyens à trou­ver pour boucler leur bud­get. À côté de cela, tout en sachant qu’il faut de l’argent, j’essaye surtout d’offrir du temps et de l’espace, ce qui est aus­si impor­tant que les moyens financiers, du moins quand on com­mence. C’est ce que j’appelle « Les Chantiers ». C’est dire à des gens qui sont en recherche, prenez la petite salle, venez pen­dant quinze jours, un mois tra­vailler de 10 heures du matin à 18 heures, aux horaires de bureau, faites un tra­vail de recherche ; à l’issue de celui-ci, on le mon­tre ou on ne le mon­tre pas, en tout ou en par­tie, cela reste ouvert. En même temps, eux, par­ticipent à la vie du théâtre, on mange ensem­ble à midi, il se développe aus­si quelque chose qui est de l’ordre de la con­vivi­al­ité. C’est ce qui manque, des espaces où on peut tra­vailler, expéri­menter. C’est en étant sur un plateau, face à des comé­di­ens, qu’on voit si son pro­jet tient la route.

Alter­na­tives Théâ­trales : Quelles sont tes rela­tions avec les autres lieux, ceux qui pra­tiquent une démarche sim­i­laire mais aus­si les autres ?

Chris­t­ian Machiels : Les rela­tions sont bonnes avec les lieux qui pra­tiquent cette démarche-là. L’L, le Théâtre Océan Nord, le Théâtre de la Vie, les Tan­neurs, le Varia, le Cen­tre cul­turel Jacques Franck.

Alter­na­tives Théâ­trales : Y a‑t-il des passerelles, des col­lab­o­ra­tions ?

Chris­t­ian Machiels : On se par­le. Quand il y a des présen­ta­tions de travaux de cet ordre, ils sont là. Ils vien­nent voir et moi aus­si quand ils mènent cette démarche de leur côté. On fait aus­si le point au cours de la sai­son des pro­jets que l’on reçoit.

Alter­na­tives Théâ­trales : En dehors de Brux­elles, y a‑t-il par exem­ple des liens avec les cen­tres cul­turels ?

Chris­t­ian Machiels : C’est dif­fi­cile. Il me sem­ble y avoir un fos­sé entre une jeune créa­tion con­tem­po­raine et les préoc­cu­pa­tions d’un cen­tre cul­turel en Wal­lonie. Il y a aus­si du côté des jeunes com­pag­nies une mécon­nais­sance de ce que c’est de tourn­er, de présen­ter ses spec­ta­cles ailleurs que dans un envi­ron­nement con­nu.

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Bernard Debroux
Co-écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
auteur
et Nancy Delhalle
Nan­cy Del­halle est pro­fesseure à l’Université de Liège où elle dirige le Cen­tre d’Etudes et de Recherch­es sur...Plus d'info
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