LE GROUPOV naît d’une révolte. Il y a 25 ans, le collectif liégeois commence à travailler dans le sentiment que l’époque s’est installée dans le ressassement et la répétition. Le théâtre ne semble plus permettre de forger une représentation du monde échappant à la vision postmoderne, celle du rebricolage permanent et du recyclage. Mais la désespérance et l’impression de perdition, si elles imprègnent alors la démarche, ne font cependant pas taire un désir d’inouï, la quête de l’invention et de la création, celle de l’inédit. Si les représentations du monde et les formes artistiques disponibles paraissent résiduaires, le corps de l’acteur ou, comme le précise Jacques Delcuvellerie, de l’actant puisqu’il ne s’agissait pas d’interpréter, devient, presque par soustraction, le lieu possible d’une recherche. Peut-être, en effet, cet actant, « celui qui vient agir devant les autres, transporte-t-il, à son insu, dans la singularité même de son individu, dans des synapses dormants, quelque chose de l’âme historique présente. Peut-être, pourrait-il en accoucher, et le formaliser en le découvrant par effraction, au moyen d’un certain nombre de techniques, comme ce que nous appelions : l’écriture automatique d’acteurs, bien différente de celle, écrite, des Surréalistes ».
Point ici de théâtre de la transe et du mythe, pour libérer l’inconscient opprimé comme le voulait Artaud, non cette forme métaphysique du théâtre qui nécessite la destruction pour révéler, au-delà de la matière, une puissance sombre. Peut-être même pas exactement une recherche de l’authenticité et de la spontanéité, en héritage des années 70. À partir d’une même rupture avec un théâtre abâtardi et asthénique, le Groupov entame une exploration du monde, de la société et de l’homme, mais par le biais du corps, des nerfs, des comportements : « C’était de l’arte povera que nous faisions avec les objets du quotidien : la bouteille de lait achetée en grande surface, une télévision qui ne fonctionnait plus bien et devenait un rebut, avec le rouleau de papier hygiénique, avec des choses minimales, et soi-même ».