KATIA ARFARA : Quels sont les différents « signes » sous lesquels la notion de risque s’est manifestée tout au long de votre parcours artistique ?
Marina Abramovic : Prendre des risques était toujours une partie importante de mon travail. Lors de mes premières Solo performances dans les années 1970, j’ai pris des risques en essayant de pousser mes limites physiques aussi loin que je le pouvais. Ensuite, je me suis intéressée à la relation entre le corps et l’espace, comme dans les performances que j’ai faites avec Ulay : RELATIONIN SPACE (1976) et INTERRUPTION IN SPACE (1977). J’ai évolué ensuite vers les risques « mentaux » comme dans la série de NIGHTSEA CROSSING que j’ai réalisée avec Ulay entre 1981et 1986. Après ma séparation avec Ulay, j’ai continué dans mon travail individuel à prendre des risques dans cette direction « mentale » comme dans THE HOUSE WITH THE OCEAN VIEW (2002).
K. A.: Le risque contient-il en lui la force d’altérer notre perception ? Notre façon de voir ?
M. A.: Depuis les temps anciens, dans différentes parties du monde, les vieilles cultures ont utilisé la méthode du risque afin de pousser le corps dans ses limites, pour arriver à une nouvelle perception du monde qui nous entoure. Certes, notre corps a des limites ; notre peau, nos os, notre système nerveux, notre sang, nos veines. Ce sont nos limites. C’est à l’esprit d’arriver à un état de liberté au-delà de ces limites. Dans mon travail, je continue à explorer mes propres chemins pour pouvoir arriver à cet état-là.
K. A.: Comment traitez-vous votre corps aujourd’hui ?