Le corps travesti chez Declan Donnellan

Théâtre
Portrait

Le corps travesti chez Declan Donnellan

Le 19 Jan 2007
LA NUIT DES ROIS de William Shakespeare, mise en scène Declan Donnella, Les Gémeaux, Sceaux, 2004. Photo Ramon Senera Agence Bernand.
LA NUIT DES ROIS de William Shakespeare, mise en scène Declan Donnella, Les Gémeaux, Sceaux, 2004. Photo Ramon Senera Agence Bernand.

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LA NUIT DES ROIS de William Shakespeare, mise en scène Declan Donnella, Les Gémeaux, Sceaux, 2004. Photo Ramon Senera Agence Bernand.
LA NUIT DES ROIS de William Shakespeare, mise en scène Declan Donnella, Les Gémeaux, Sceaux, 2004. Photo Ramon Senera Agence Bernand.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 92 ) Le corps travesti
92

DECLAN DONNELLAN crée sa com­pag­nie avec le scéno­graphe Nick Ormerod en 1981, « Cheek by Jowl », lit­térale­ment « joue con­tre bajoue », qui est une référence à l’expression de Bot­tom dans le SONGE D’UNE NUIT D’ETE de Shake­speare. Le met­teur en scène bri­tan­nique s’emploie à revis­iter les grands clas­siques du pat­ri­moine nation­al : la fréquence avec laque­lle il monte des pièces de Shake­speare – toutes les deux ou trois mis­es en scène – sem­ble être sig­ni­fica­tive de ce désir. Par ailleurs, il explore des textes con­tem­po­rains ou des clas­siques étrangers.

Lorsqu’il monte COMME IL VOUS PLAIRA en 1991, avec une troupe exclu­sive­ment mas­cu­line, Declan Don­nel­lan est un des pio­nniers, en Europe, du retour aux sources élis­abéthaines. Ce spec­ta­cle con­naît un énorme suc­cès. « De toutes les ver­sions de COMME IL VOUS PLAIRA que j’ai vues et je n’ai pas assez de doigts pour les compter, celle de Declan Don­nel­lan est de loin la meilleure » 1 con­fi­ait Peter Brook, accueil­lant le spec­ta­cle dans son théâtre en jan­vi­er 1995.

Il serait réduc­teur de voir dans le con­cept ancien de « all men cast » employé par Don­nel­lan un sim­ple retour au théâtre élis­abéthain, dans lequel les hommes jouaient les rôles des femmes, non admis­es à mon­ter sur scène. Il n’emprunte pas la voie de la recon­sti­tu­tion his­torique. En cela, la mise en scène de Don­nel­lan dans la scéno­gra­phie min­i­mal­iste de Ormerod est résol­u­ment con­tem­po­raine.

Dans le kabu­ki, une forme tra­di­tion­nelle de théâtre japon­ais, les rôles féminins, les Onna­ga­ta, sont joués par des hommes. Après avoir assisté à l’une de ces représen­ta­tions, Don­nel­lan s’est mis en quête d’un acteur sus­cep­ti­ble d’interpréter Ros­alinde dans COMME IL VOUS PLAIRA. Ce per­son­nage présente en out­re une véri­ta­ble gageure : il est déguisé en homme, Ganymède, pen­dant la plus grande par­tie de la pièce.

Bel acteur noir, longiligne, Adri­an Lester, sans maquil­lage, par le mou­ve­ment d’une épaule, d’un doigt, donne vie au per­son­nage féminin sous les regards des spec­ta­teurs. Jamais il ne verse dans la car­i­ca­ture ou dans le cliché homo­sex­uel ; sans arti­fice, c’est bien une femme puis une femme déguisée en homme qui prend nais­sance sur scène.

Declan Don­nel­lan a repris ce même principe dra­maturgique en 2003 en met­tant en scène une troupe russe mas­cu­line pour LA NUIT DES ROIS. Tout aus­si réus­si mais très dif­férent de COMME IL VOUS PLAIRA dans sa réal­i­sa­tion esthé­tique, ce deux­ième spec­ta­cle tendait vers une abstrac­tion visuelle en faisant se fon­dre les couleurs des cos­tumes avec celles du décor. Dans des tons som­bres, noirs, la pre­mière par­tie du spec­ta­cle pou­vait sug­gér­er le deuil de la comtesse Olivia, con­trastant avec la deux­ième par­tie, tout en clarté, cos­tumes et tis­sus offrant une décli­nai­son de tons blancs ou écrus. Cette comédie de Shake­speare met égale­ment en scène un per­son­nage trav­es­ti : Vio­la, qui se déguise en Césario. Mince et de petite taille, les cheveux très courts, Andrei Kouz­itchev n’est pas maquil­lé à l’exception d’une fine mous­tache pour Césario, et n’a pour seul déguise­ment que la robe qu’il porte lorsqu’il n’est pas trav­es­ti en homme ; son physique tient vrai­ment de l’androgyne. Il ne con­tre­fait pas sa voix pour jouer Vio­la, tout est con­tenu dans son com­porte­ment. Son atti­tude gra­cieuse, frag­ile, vibrante, tranche avec les moments où elle joue à être un homme, sous les regards des autres per­son­nages.

Con­traire­ment aux Onna­ga­ta qui ont inspiré le met­teur en scène, les trav­es­tis de Don­nel­lan ne se far­dent pas et se déguisent à peine.

Identité masculine présente sous le déguisement féminin

Tels qu’ils sont écrits, les rôles de Ros­alinde et de Vio­la présen­tent un défi aux acteurs. Leur trans­for­ma­tion, dans le texte, est crédi­ble – ou con­v­enue -, le pro­pre père de Ros­alinde par exem­ple devant s’y tromper. Bien enten­du, la dra­maturgie shake­speari­enne tient compte de ces dif­férents niveaux ; la con­ven­tion était enten­due par le pub­lic de même que la notion de genre, les troupes étant à l’époque exclu­sive­ment mas­cu­lines.

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Declan Donnellan
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Chrystel Seyvécou
Chrystel Seyvécou est comédienne. Inscrite à l’Institut d’Études Théâtrales de Paris III en Master 2...Plus d'info
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