Le travestissement dans les mises en scène des BACCHANTES d’Euripide par Klaus Michael Grüber, Matthias Langhoff et Luca Ronconi

Le travestissement dans les mises en scène des BACCHANTES d’Euripide par Klaus Michael Grüber, Matthias Langhoff et Luca Ronconi

Le 20 Jan 2007
Minas Hadjissavas dans LES BACCHANTES d’Euripide mise en scène Matthias Langhoff, Festival d’Épidaure, 1997. Photo XXX.
Minas Hadjissavas dans LES BACCHANTES d’Euripide mise en scène Matthias Langhoff, Festival d’Épidaure, 1997. Photo XXX.

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Minas Hadjissavas dans LES BACCHANTES d’Euripide mise en scène Matthias Langhoff, Festival d’Épidaure, 1997. Photo XXX.
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Couverture du numéro 92 ) Le corps travesti
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Penthée à Dionysos : « Dis-moi de quoi j’ai l’air »

LA PRESENCE des dieux dans la tragédie grecque est un phénomène très fréquent, qui dépasse naturelle­ment le « deus ex machi­na » tant reproché à Euripi­de ; or, dans ses BACCHANTES, sa dernière pièce, posthume (405 av. J.-C.), et par con­séquent l’ultime tragédie antique par­v­enue jusqu’à nous, on assiste à la venue par­mi les hommes, dès le Pro­logue, d’un dieu fait homme, Dionysos 1. Ce cas par­ti­c­uli­er de la dra­maturgie antique pose d’emblée au met­teur en scène d’aujourd’hui le prob­lème du trav­es­tisse­ment ; car l’incarnation du dieu place la ques­tion de l’identité au fonde­ment même de cette tragédie. Et ceci d’autant plus qu’elle est ren­for­cée par une autre scène de trav­es­tisse­ment, au milieu de la pièce, où Dionysos déguise Penthée, le roi qui le réfute, en femme, afin qu’il puisse aller épi­er les Thébaines trans­for­mées en ménades, dans les mon­tagnes du Cithéron.

Cette prob­lé­ma­tique de l’identité, et par con­séquent de l’altérité, expli­querait en par­tie l’attrait que la pièce des BACCHANTES exerce encore aujourd’hui, vingt-qua­tre siè­cles après sa créa­tion, et qui en fait l’une des œuvres dra­ma­tiques antiques les plus jouées ces dernières décen­nies 2.

En effet, Dionysos, c’est celui qui « brouille toutes les lim­ites et ouvre sur l’altérité ». Le « fils de la dou­ble porte » (celui qui est « né deux fois »), sor­tit cor­nu de la cuisse de Zeus qui couron­na sa tête de ser­pents ; recon­sti­tué par Rhéa après avoir été démem­bré par les Titans, il grandit déguisé en fille, avant d’être trans­for­mé en chevreau ou en cerf, puis de devenir un homme. C’est sous une forme humaine, efféminée, qu’il arrive à Thèbes dans les BACCHANTES – par la suite, il se trans­formera en lion, en tau­reau, en pan­thère, etc. La méta­mor­phose, le trav­es­tisse­ment et le démem­bre­ment sont les trois reg­istres prin­ci­paux des muta­tions du dieu ; ils sont, dans la pièce d’Euripide, les modes de ce ques­tion­nement sur l’identité.

Par la bouche de Penthée, Euripi­de définit assez pré­cisé­ment l’aspect de Dionysos : il est cet « étranger à la chevelure blonde par­fumée bouclée » (vers 235), armé d’un thyrse et les cheveux flot­tant au vent (vers 241), « efféminé » (vers 352), et à qui « la beauté ne fait pas défaut » (vers 453). Le met­teur en scène qui monte les BACCHANTES se doit toute­fois de s’interroger sur l’apparence du dieu, laque­lle ne saurait être uni­voque. En effet, le Dionysos incar­né garde ses pou­voirs ; sous son masque flat­teur et héroïque pointe la présence dan­gereuse d’un être ambiva­lent, ani­mal et malé­fique. Dionysos est une fig­ure triple, qui mêle trois états en un. C’est pourquoi la pièce sus­cite des approches mul­ti­ples ; l’apparition du dieu et le déguise­ment de Penthée offrent l’occasion de traiter de l’altérité, à tra­vers un trav­es­tisse­ment ori­en­té vers l’un des trois axes suiv­ants : humain, ani­mal ou divin.

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Sotiri Haviaras
Sotiri Haviaras est Maître de Conférences en Études Théâtrales à l’Université de Lille 3. Il...Plus d'info
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