DANS LES SPECTACLES du prolifique collectif du théâtre des Lucioles, Marcial Di Fonzo Bo et Pierre Maillet ont régulièrement endossé des costumes féminins : dans le monde nocturne et clandestin d’un cabaret allemand pour le nazi Müller que jouait Marcial Di Fonzo Bo chez Fassbinder (LA VILLE, LES ORDURES ET LA MORT mis en scène par Pierre Maillet en 2003); dans l’atelier du photographe Pierre Molinier qu’incarne Pierre Maillet (MES JAMBES, SI VOUS SAVIEZ, QUELLE FUMEE… mis en scène par Bruno Geslin en 2003); et dans l’univers des dessins et du théâtre de Copi que les Lucioles parcourent depuis huit ans, sous la conduite de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier.
Au fil de cette traversée, initiée en 1999 avec le spectacle COPI, UN PORTRAIT, les Lucioles ont créé une véritable galerie de portraits de petites et grandes héroïnes incarnées par des hommes et ont joué de tous les registres du travestissement : la mythique Eva Perón, sa mère et son infirmière ; Loretta Strong – inénarrable cosmonaute ; la célèbre Femme assise, la glamoureuse Lola, l’adolescente Marie-Christine et le peuple de putes qui habitent les bandes dessinées de Copi ; ou encore L, double de l’auteur dans LE FRIGO, sa mère et ses bonnes ; et aussi des créatures de music-hall aux corps mi-masculin mi-féminin et portant masques de mort, ou enfin gitanes avec perruques, paillettes et pantalons de toréadors…
Il n’est sans doute pas étonnant que ce collectif d’acteurs ait trouvé dans le monde de Copi – lui-même acteur – et dans l’art du travestissement de quoi partager leur plaisir de « jouer à jouer » et un terrain où « jouer pour expérimenter le monde », selon les expressions de Leslie Kaplan à leur sujet.
Pour Marcial Di Fonzo Bo, reprenant des termes de l’auteur cubain Severo Sarduy, « le travestissement est l’art de Copi et l’art de la copie. En copiant l’original, on sublime ses qualités et ses défauts. Il y a quelque chose de rayonnant, de sublime et en même temps de tragique et de glauque. C’est la formule théâtrale par excellence. Et c’est un acte politique concret. »
Les Lucioles sont « des enfants de 1968 » qui « depuis maintenant » interrogent cet héritage. « Nous travaillons sur notre histoire à travers des textes d’auteurs qui, comme Fassbinder, Copi ou comme Leslie Kaplan qui nous accompagne, sont des témoins précieux de ces années 1968 – 1970, interrogeant eux-mêmes les années d’après-guerre, la révolution à l’intérieur d’un groupe social ou familial, se demandant comment inventer ou réinventer une expérience collective de la liberté, comment se jouer de et déjouer le ou les pouvoirs. »