Les Youkiza entre deux mondes

Entretien
Marionnettes

Les Youkiza entre deux mondes

Entretien avec Youki Magosaburo

Le 25 Juil 2007
Youki Chie et Youki Magosaburo, TSUNA YAKATA, At Youki-Za studio, 2007. Photo Jun Ishikawa.
Youki Chie et Youki Magosaburo, TSUNA YAKATA, At Youki-Za studio, 2007. Photo Jun Ishikawa.

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Youki Chie et Youki Magosaburo, TSUNA YAKATA, At Youki-Za studio, 2007. Photo Jun Ishikawa.
Youki Chie et Youki Magosaburo, TSUNA YAKATA, At Youki-Za studio, 2007. Photo Jun Ishikawa.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 93 - Ecrire le monde autrement
93

LA COMPAGNIE YOUKIZA réu­nit six mar­i­on­net­tistes dirigés par You­ki Magos­aburo, douz­ième d’une dynas­tie créée en 1635, dernier représen­tant à Tokyo des mar­i­on­nettes tra­di­tion­nelles à fils – ne pas con­fon­dre avec les grandes fig­ures portées du bun­raku. Dans LES PARAVENTS, les mar­i­on­nettes font entr­er d’emblée le col­lec­tif en scène, sa dimen­sion chorale, ce qui y émarge et ce qui en émerge. Peu à peu, des fig­ures sor­tent du rang et s’imposent, indi­vidu­elle­ment, comme si elles avaient pu être con­sti­tu­tives des PARAVENTS tels que les décrivait Genet, non sans entraîn­er une col­oration japon­isante de la représen­ta­tion. Le mélo­drame, dans sa dimen­sion poéti­co-fan­tas­tique, cou­sine du kabu­ki, point­erait, si la sur-drama­ti­sa­tion n’était con­tred­ite par la styl­i­sa­tion extrême des émo­tions par les mar­i­on­nettes. Accen­tuée par la pré­ci­sion de déplace­ment des manip­u­la­teurs, cette styl­i­sa­tion répond étroite­ment aux indi­ca­tions de Genet con­cer­nant le jeu : « Sera extrême­ment pré­cis. Très ser­ré. Pas de gestes inutiles. Chaque geste devra être vis­i­ble.» Et ce n’est pas le seul élé­ment de la dra­maturgie orig­inelle que retrou­vent, au naturel, les mar­i­on­nettes. Ain­si, du « maquil­lage exces­sif » réclamé par Genet, qui appa­raît dans sa pléni­tude au pays des morts, lorsque les vis­ages blêmes agran­dis par la pro­jec­tion parais­sent ceux de revenants de con­tes japon­ais. À tra­vers ces créa­tures et leur créa­teur, Avi­gnon mesur­era ce qui cir­cule d’un monde à l’autre, d’un passé loin­tain, tri­cen­te­naire, au passé recom­posé des PARAVENTS, et du Japon à la France, puisque les Youk­iza présen­tent égale­ment deux pièces du réper­toire tra­di­tion­nel : TSUNA-YAKATA ( LA MAISON DE TSUNA ), et HONCHÔ-NIJYÛSHIKO ( LES YEUX DU RENARD DANS LE JARDIN INTÉRIEUR).

Jean-Louis Per­ri­er : Le pat­ri­moine que vous portez est-il lourd à défendre ?

You­ki Magos­aburo : Je ne le sens pas. Je me con­cen­tre sur l’actualité, sur ce que je fais dans le moment. Je n’ai pas le temps de réfléchir sur le passé. Je ne me sens pas empris­on­né par lui. Ma pri­or­ité est le présent.

J.-L. P. : Par­mi les mar­i­on­nettes de votre ate­lier, la plus vieille a deux cents ans. Peut-elle inter­préter des pièces con­tem­po­raines ?

Y. M. : Oui, il suf­fit de chang­er son cos­tume. La méth­ode et le style de manip­u­la­tion n’ont pas changé depuis trois siè­cles. Mais la mar­i­on­nette de deux cents ans n’est pas neu­tre, elle a trop de car­ac­tère pour être util­isée dans n’importe quel rôle. Elle pour­ra endoss­er celui d’une jeune fille, mais pas celui d’une vieille dame. Je ne saurais dire pourquoi elle ne le peut pas. Sinon que les mar­i­on­nettes ont, elles aus­si, un pou­voir, une vie pro­pre.

J.-L. P. : Le physique d’une mar­i­on­nette peut-il être un bar­rage à son expres­sion ?

Y. M. : Les inten­tions du dessi­na­teur de mar­i­on­nettes et du mar­i­on­net­tiste ne sont jamais les mêmes. Il faut jouer de ce décalage. Il arrive que je reçoive une mar­i­on­nette loin de mon idéal, et que je décou­vre sa magie pro­pre avec le jeu. Trois mem­bres de notre troupe sculptent les mar­i­on­nettes à par­tir des dessins, car il faut être manip­u­la­teur pour réalis­er une mar­i­on­nette manip­u­la­ble. Je me con­tente de faire des ajuste­ments pour les spec­ta­cles.

J.-L. P. : À l’origine, les mar­i­on­nettes inter­pré­taient des sutras, est-ce encore le cas aujourd’hui ?

Y. M. : À l’origine, les mar­i­on­nettes pra­ti­quaient le sekkio-joruri, elles racon­taient sous forme d’histoire les principes du boud­dhisme. Leurs sujets, musi­cale­ment monot­o­nes, étaient de morale religieuse. Ensuite, elles sont passées au gui­dayu, plus raf­finé, plus dynamique musi­cale­ment. Les sujets sont des his­toires d’amour, des his­toires famil­iales, ils met­tent en avant les sen­ti­ments humains. Les Youk­iza ont adop­té ce style.

J.-L. P. : Les mar­i­on­nettes par­ticipent-elles encore à des céré­monies religieuses ?

Y. M. : Il ne s’agit pas de spec­ta­cles. À cinq heures du matin, je fais une danse pour puri­fi­er la scène et éviter les mau­vais esprits, appel­er à la prospérité, à la sécu­rité et au bon­heur.

J.-L. P. : Quand vous jouez LES PARAVENTS, réveillez-vous la mar­i­on­nette à cinq heures du matin pour éviter les mau­vais esprits ?

Y. M. : Non, nous le faisons quand nous avons l’initiative, pas lorsque nous sommes invités. C’est notre cou­tume. Au Japon, très sou­vent, avant la pre­mière d’un spec­ta­cle, un prêtre shin­toïste vient puri­fi­er l’espace. Il y a un tem­ple dans les salles de spec­ta­cle et la cou­tume est de frap­per dans les mains pour les puri­fi­er.

J.-L. P. : Les mar­i­on­nettes que vous utilisez pour puri­fi­er l’espace sont-elles dif­férentes de celles que vous utilisez le soir ?

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