BARBARA ENGELHARDT : Vos pièces comme vos mises en scène montrent que vous pensez le théâtre dans un contexte plus large. Certains concepts, certaines idées, certains thèmes semblent ainsi se définir toujours sur plusieurs plans : politique, social, écono- mique, idéologique etc. Quelle approche détermine votre travail ?
Falk Richter : Je pars toujours de ce qui m’intéresse le plus à un moment précis. Je veux comprendre le monde dans lequel je vis, je veux comprendre comment fonctionne notre système politique, notre système économique et comment il détermine les hommes qui en font partie, comment il oriente leurs modes de pensée et leurs sentiments. Lorsque j’ai écrit LE SYSTÈME en 2003, je voulais chercher comment je pouvais parvenir à saisir, avec mes moyens, c’est-à-dire l’écriture et la mise en scène, à quoi ressemble notre mode de vie : comment vivons-nous ici, en Occident, quelle représentation avons- nous du bonheur, existe-t-il encore des valeurs autres que l’argent et la réussite ? Les gens ne sont-ils animés que par la peur, la peur du déclassement social, peur de son propre vide intérieur, de la solitude, de ne plus entretenir la moindre relation avec autrui, peur de vieillir, peur du burnout, peur que tout s’écroule – et ne faisons- nous rien d’autre que de combattre sans cesse cette peur du vide intérieur ? Je voulais savoir comment fonctionne en réalité notre démocratie économique, qui sont les détenteurs du pouvoir, qui sont les responsables – mais surtout : à quoi ressemble notre système vu de l’intérieur : comment ressentons-nous les choses ? Et les ressentons- nous vraiment ? N’avons-nous conscience de nous-même que dans la catastrophe – et que ressentons-nous alors ?