MIRACLE DE FIGURES, MIRACLE À MILAN : du film de Vittorio de Sica au théâtre d’ombres de la Compagnie Gioco Vita

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MIRACLE DE FIGURES, MIRACLE À MILAN : du film de Vittorio de Sica au théâtre d’ombres de la Compagnie Gioco Vita

Le 23 Avr 2009
MIRACLE À MILAN, d'après le film éponyme de Cesare Zavattini et Vittorio de Sica, co-production Teatro Gioco Vita, Piccolo Teatro di Milano, Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézieres, mise en scène et décor Fabrizio Montecchi, 2003. Photos Massimo Bersani.
MIRACLE À MILAN, d'après le film éponyme de Cesare Zavattini et Vittorio de Sica, co-production Teatro Gioco Vita, Piccolo Teatro di Milano, Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézieres, mise en scène et décor Fabrizio Montecchi, 2003. Photos Massimo Bersani.
MIRACLE À MILAN, d'après le film éponyme de Cesare Zavattini et Vittorio de Sica, co-production Teatro Gioco Vita, Piccolo Teatro di Milano, Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézieres, mise en scène et décor Fabrizio Montecchi, 2003. Photos Massimo Bersani.
MIRACLE À MILAN, d'après le film éponyme de Cesare Zavattini et Vittorio de Sica, co-production Teatro Gioco Vita, Piccolo Teatro di Milano, Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézieres, mise en scène et décor Fabrizio Montecchi, 2003. Photos Massimo Bersani.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 101 - Extérieur Cinéma - théâtre national de Nice
101

MILAN est un des chefs‑d’œuvre du ciné­ma néo-réal­iste d’après-guerre, réal­isé par Vit­to­rio de Sica et écrit par Zavat­ti­ni (fruit d’une col­lab­o­ra­tion régulière, avec LE VOLEUR DE BICYCLETTE, UMBERTO D.) Le film obtint, entre autres, la Palme d’Or à Cannes en 1951. Il racon­te l’étrange his­toire de Toto (d’après TOTO IL BUONO de Zavat­ti­ni) qui naquit dans un champ de choux. Il y fut trou­vé par la vieille Lolot­ta, qui mou­rut bien­tôt, en lais­sant à l’enfant un cap­i­tal con­fi­ance extra­or­di­naire en cette péri­ode peu prospère… Placé à l’orphelinat, Toto n’en ressort qu’à vingt ans et va habiter dans les taud­is de la ban­lieue de Milan. Il salue d’un « bon­jour » naïf tous les habi­tants de son bidonville, les incite à le recon­stru­ire après la tem­pête, par le mir­a­cle de la volon­té (le pre­mier). Il y aura ensuite des vrais mir­a­cles, per­mis par le fan­tôme de Lolot­ta, qui lui envoie du ciel une colombe blanche… Le pét­role jail­li­ra sur le sol des pau­vres. Ils résis­teront à Mob­bi, l’effroyable pro­prié­taire du ter­rain qui veut les en chas­s­er. Ils finis­sent même par s’envoler sur des bal­ais, comme de gen­tilles sor­cières, pour échap­per à leurs per­sé­cu­teurs…

Inutile de pré­cis­er que le ton de la fable, qui finale­ment racon­te l’histoire d’une vic­toire des pau­vres sur les méchants, éton­na ses spec­ta­teurs d’après-guerre, (à gauche comme à droite), habitués à un ciné­ma qui dis­ait le réal­isme quo­ti­di­en. L’intérêt de cette métaphore du pou­voir réside notam­ment dans l’association déli­cate de plans austères de Milan en pleine recon­struc­tion, avec des scènes totale­ment fan­tai­sistes. Par moments, des scènes graves mon­trent l’immense mis­ère de l’Italie d’après-guerre, à d’autres, des séquences improb­a­bles, féeriques, mag­iques… sont pro­pres à redonner l’espoir. L’écriture de Zavat­ti­ni a su con­juguer ces deux axes opposés, et De Sica les restituer avec poésie, en main­tenant l’équilibre entre les acteurs pro­fes­sion­nels et les ama­teurs, entre des moments de pure fan­taisie (appari­tion d’anges, du fan­tôme de Lolot­ta et autres événe­ments sur­na­turels) et des inven­tions formelles inno­vantes dans le néo-réal­isme (surim­po­si­tions, mon­tage rapi­de, mou­ve­ment inverse).

La Cie Gio­co Vita, qui œuvre à Pia­cen­za (près de Milan) a créé MIRACLE À MILAN sur scène, au moyen du théâtre d’ombres. Ce spec­ta­cle asso­cie le jeu des acteurs avec celui des sil­hou­ettes, qui défi­lent, ici, devant ou der­rière un astu­cieux décor com­posé de pan­neaux de plex­i­glass. Ils ser­vent à la fois de pan­neaux de con­struc­tion du bidonville où habitent Toto et ses amis, mais égale­ment d’écran pour les ombres. La Com­pag­nie Gio­co Vita com­bine égale­ment un tra­vail sur les sil­hou­ettes manip­ulées à vue, et sur leurs pro­jec­tions der­rière les pan­neaux, – qui offrent des pos­si­bil­ités de per­spec­tive et de change­ment d’échelles très intéres­sants. Ain­si les types d’interprétation (acteurs ou fig­ures) peu­vent altern­er dans un décor qui recèle dif­férentes zones de jeu, et de nom­breux plans. MIRACLE À MILAN est un univers peu­plé de fig­ures. Des fig­ures comme le sont tous les per­son­nages mémorables du film de De Sica et des fig­ures comme le sont les ombres de notre spec­ta­cle : exempts de psy­chol­o­gisme, des fig­ures au car­ac­tère fixé pour tou­jours, comme les pro­fils des sil­hou­ettes que nous util­isons. Des fig­ures et non des images, expli­quait le met­teur en scène Fabri­cio Mon­tec­chi lors de la créa­tion en 2001. La Com­pag­nie réalise des spec­ta­cles d’ombres depuis les années 70 (notam­ment pour les enfants) et par­ticipe à son développe­ment mod­erne en Occi­dent. Pour MIRACLE À MILAN, la tra­duc­tion des images du film en sil­hou­ettes traduit leur désir de faire dia­loguer le ciné­ma et le théâtre d’ombres, deux formes artis­tiques majeures qui vivent à tra­vers l’écran.

Le dia­logue entre ces deux formes est évi­dent pour les ama­teurs d’ombres et d’images. Raul Ruiz, avait d’ailleurs écrit un Traité des ombres chi­nois­es, sus­cep­ti­ble de lui servir de référence théorique pour la réal­i­sa­tion d’un de ses films, LES CHIENS CRIENT LEUR CHAGRIN. Le cinéaste chilien expli­quait qu’il aimait bien utilis­er des références extrav­a­gantes, réelles ou inven­tées. Pour ce film, il voulait se servir des PROPOS SUR LA PEINTURE DU MOINE CITROUILLE VERT (qui exis­teraient vrai­ment ), et de son TRAITÉ D’OMBRES inven­té…

Les ombres nais­sent dans le cœur. Elles se pré­cip­i­tent vers les mains comme un trou­peau de chevaux épou­van­tés par une tem­pête. Ils cherchent à s’échapper par les mains. ( …) Les formes sont comme ces chevaux qui cherchent à s’échapper de l’écurie en flammes. Les mains sont les portes.

( …) Il faut faire voir que les choses sont des ombres illu­soires et que les ombres sont des choses réelles.

Hsieh Ho ( …) dis­ait : « Dans mon théâtre, tout se passe au fond d’un étang et les témoins sont les pois­sons ». Il dis­ait : « Les spec­ta­teurs sont les fan­tômes des noyés. » C’est vrai qu’il aimait beau­coup plaisan­ter.

Wang Shih-Shen (pseu­do­nyme de Raul Ruiz )

MIRACLE À MILAN, d'après le film éponyme de Cesare Zavattini et Vittorio de Sica, co-production Teatro Gioco Vita, Piccolo Teatro di Milano, Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézieres, mise en scène et décor Fabrizio Montecchi, 2003. Photos Massimo Bersani.
MIRACLE À MILAN, d’après le film éponyme de Cesare Zavat­ti­ni et Vit­to­rio de Sica, co-pro­duc­tion Teatro Gio­co Vita, Pic­co­lo Teatro di Milano, Insti­tut Inter­na­tion­al de la Mar­i­on­nette de Charleville-Mézieres, mise en scène et décor Fab­rizio Mon­tec­chi, 2003. Pho­tos Mas­si­mo Bersani.
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Écrit par Sylvie Martin-Lahmani
Pro­fesseure asso­ciée à la Sor­bonne Nou­velle, Sylvie Mar­tin-Lah­mani s’intéresse à toutes les formes scéniques con­tem­po­raines. Par­ti­c­ulière­ment atten­tive aux...Plus d'info
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