DEUX CRÉATEURS, formés à l’école russe de théâtre, ont eu une forte influence sur le public et sur certains acteurs roumains, à l’aube même de ce siècle, le XXIe. Deux metteurs en scène différents, qui ont eu des professeurs différents, qui ont étudié l’art du théâtre dans des villes universitaires différentes et qui ont des styles de travail différents. Leurs premiers spectacles montés dans des théâtres roumains ont été couronnés de succès ; ils ont continué et ont monté d’autres spectacles. Depuis une décennie, leurs spectacles sont à l’affiche des répertoires de théâtres qui ont eu confiance en leurs capacités créatrices. Ils s’appellent Andrij Zholdak et Yuri Kordonski.
J’ai entendu pour la première fois le nom d’Andrij Zholdak à Sibiu, en 1998, lorsqu’il est venu au Festival International de Théâtre présenter le spectacle CARMEN, réalisé en Ukraine, son pays natal. C’était une création aussi spectaculaire que mémorable. Elle est restée gravée dans mon esprit. En 2000 je voyais au même festival L’IDIOT d’après Dostoïevski, monté à Kiev, dans une option de mise en scène complètement différente, avec des acteurs ukrainiens (et un acteur roumain, Constantin Chiriac). Une performance artistique. Ce spectacle a d’ailleurs jeté les bases de la collaboration d’Andrij Zholdak avec le théâtre roumain, plus exactement avec le théâtre « Radu Stanca » de Sibiu. Lors de l’été 2000, Zholdak répétait déjà, à l’invitation de Chiriac, la variante roumaine de L’IDIOT dans ce théâtre au cœur de la Roumanie.
L’IDIOT – pour une fin de vieux siècle et début d’un siècle nouveau.
À ce carrefour du temps, entrait par la porte de l’Occident, grâce au Festival de Sibiu, celui qui avait étudié la mise en scène, à la fin des années quatre-vingt, à l’Institut d’Art Théâtral de Moscou, dans la classe du célèbre professeur et metteur en scène Anatoli Vassiliev. Ensuite, OTHELLO, grand succès public en Roumanie et à l’étranger. Depuis, il est venu chaque année au Festival avec ses spectacles montés en Ukraine : HAMLET DREAMS, LE MARIAGE, UNE JOURNÉE DE LA VIE D’IVAN DÉNISSOVITCH, UN MOIS À LA CAMPAGNE, GOLDONI. VENISE. Il a travaillé ensuite avec des acteurs de Sibiu pour les spectacles LA VIE AVEC UN IDIOT et LA PRINCESSE TURANDOT. Je l’ai vu lors d’une répétition, au début de sa collaboration avec les acteurs roumains. Préoccupé, presque exagérément, par le perfectionnisme, il voyait la différence entre les interprètes formés en Russie et ceux formés en Roumanie. Il semblait d’abord impressionné par le fait que les acteurs roumains soient obéissants et compréhensifs, des caractéristiques qui les ont beaucoup aidés, mais il considérait qu’ils avaient une préparation trop faible pour l’analyse du texte et l’articulation des mots. La troupe a beaucoup changé pendant les répétitions, qui demandaient une activité intense, psychique et physique. Zholdak enseignait aussi aux acteurs, pendant la préparation du spectacle, le théâtre psychologique de Stanislavski, le théâtre-masqué de Brecht, le théâtre-improvisation de Vassiliev.
Dans la première interview que j’ai réalisée de Zholdak, publiée dans la revue TEATRUL AZI(10 novembre 2000), le metteur en scène, qui ne connaissait pas le théâtre roumain, disait : J’ai entendu beaucoup de choses positives sur ce qui se passe dans l’art théâtral en Roumanie ; j’ai vu aussi quelques cassettes de spectacles et je me suis rendu compte que le théâtre roumain a une bonne tenue ; il est différent, et le public aime la diversité. Après le théâtre psychologique russe ou ukrainien, j’aimerais voir les créations de Purcarete, Liviu Ciulei, Vlad Mugur ou Andrei Serban.