Depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo en 1960, les institutions culturelles étrangères présentes à Kinshasa ont apporté un appui et des bouffées d’oxygène pour les créateurs kinois. Le Centre Wallonie- Bruxelles ouvert en 1986 à Kinshasa, a maintenu une présence permanente dans la ville, y compris durant les années de troubles et de guerre.
Avec le Centre culturel français, ce sont les deux principaux soutiens officiels aux artistes congolais (l’aide publique congolaise à l’art et à la création est quasi inexistante). À l’initiative du Centre Wallonie-Bruxelles le projet Yambi a été un formidable coup de projecteur donné à la création traditionnelle et contemporaine congolaise.
Cent cinquante artistes venus de tous les coins du Congo ont été accueillis, durant deux mois en septembre et octobre 2007, dans une centaine de lieux en Wallonie et à Bruxelles, mais aussi en Flandre et dans les pays environnants pour des programmes exceptionnels : théâtre, danse, jazz, percussions, chansons, peinture, photo, vidéos, installations plastiques, sculptures, littérature, conte, cinéma, chant choral, rap, danse contemporaine, BD.
À peu près au même moment, mené par un théâtre belge, bruxellois et flamand, le KVS1, une initiative singulière et originale se mettait en place. Suivant une démarche particulière dont la philosophie est largement présentée et analysée dans le premier chapitre de ce numéro, le KVS et son directeur Jan Goossens sont allés à la rencontre des artistes congolais multipliant ateliers et rencontres, favorisant les allers et retours d’artistes entre l’Afrique et l’Europe et s’assurant une présence quasi permanente à Kinshasa. Ce « congo werking » – opération Congo – est aussi le fer de lance de la programmation du KV. À Kinshasa il a débouché sur un festival annuel et international, Connexion KIN, qui a connu en 2013 sa 5e édition.
Le projet « Coup fatal » fait l’objet d’un deuxième chapitre. Imaginé au départ par Serge Kakudji, contre-ténor congolais, et Paul Kerstens (coordinateur au KVS du Congo Werking) Coup fatal est tout à fait emblématique de la démarche du KVS et dans un sens son exceptionnel aboutissement. Réunissant Fabrizio Cassol, Serge Kakudji, Alain Platel et treize musiciens congolais, il est le produit de sessions de travail réparties sur plusieurs années. La magie et le travail inlassable de Fabrizio Cassol et des musiciens a débouché sur une rencontre inouïe entre la musique baroque, la musique traditionnelle africaine et le jazz. Ce projet hors norme, mis en scène par Alain Platel, sera présenté dans de grands festivals et théâtres en Europe et en Afrique dans les deux ans qui viennent.
On a souvent du Congo une vision de désolation, de pauvreté, de violence, de guerre. Ce numéro témoigne comme en contrepoint de la vitalité créatrice de Kinshasa.
On y a largement donné la parole à des artistes de toutes disciplines (écrivains, musiciens, acteurs, metteurs en scène, plasticiens). Ils ont en commun une formidable énergie communicative et joyeuse, un courage et une détermination pour créer dans des conditions de dénuement à des années lumières du confort dont jouissent les artistes en Europe. La créativité à Kinshasa est débordante. Comment rendre compte de l’effervescence de cette mégalopole dont la population atteindrait plus de douze millions d’habitants ! Notre démarche n’est pas exhaustive. Le choix des artistes présentés est le fruit de rencontres suggérées par les témoins privilégiés de la vie artistique kinoise. Les entretiens et les conversations que j’ai eus avec eux m’ont persuadé qu’il fallait leur donner la parole. La démarche des artistes congolais est très souvent multidisciplinaire et parfois inclassable. Nous avons cependant, pour la facilité du lecteur, regroupé les textes, entretiens et analyses autour de trois autres grands chapitres : Les arts de la scène, Écrire, Les arts plastiques et visuels.
L’abondance de la matière, notre volonté d’assurer à cet ouvrage une diffusion dans le monde anglophone et d’en faire un numéro bilingue nous a conduits à réaliser un numéro triple et à éditer certains articles ou certaines parties d’articles sur notre site. C’est aussi l’annonce d’une évolution de notre revue qui se partagera à l’avenir entre ouvrage papier et édition en ligne
- KVS, Koninklijke Vlaamse Schouwburg, Théâtre de ville bruxellois. ↩︎