Le masque, le miroir et l’intime !

Théâtre
Parole d’artiste

Le masque, le miroir et l’intime !

Le 23 Mar 2020
Amour à mère, mise en scène Christian Coumin, avec Leonor Canales Garcia, Maison du Théâtre (Brest), 2006. Photo Cie À Petit Pas
Amour à mère, mise en scène Christian Coumin, avec Leonor Canales Garcia, Maison du Théâtre (Brest), 2006. Photo Cie À Petit Pas
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 140 - Les enjeux du masque
140

J’ai gran­di dans un salon de coif­fure, dans un vil­lage blanc entouré de vig­no­bles en plein cœur de l’Andalousie.

Ma mère s’appelle Rafaela, mais les « mes­dames » l’appelaient Fali.

Je me sou­viens de son image et de ses mains qui dan­saient avec les ciseaux, le peigne fin et la chevelure des femmes.

Je me sou­viens de la lumière entrant par la fenêtre un après-midi d’été et ses mil­liers de pous­sières.

Je me sou­viens du miroir énorme pour mes yeux de petite fille qui trô­nait au cen­tre du salon de coif­fure. 

Et du reflet de mon vis­age sur ce miroir !

C’est là que tout a com­mencé : mon désir de le tra­vers­er, d’être regardée et mon inquié­tude à com­pren­dre la spé­ci­ficité de l’âme humaine.

Espace de con­fi­dences, de trans­for­ma­tions et de con­fes­sions féminines.

Lieu de rit­uels, lieu de pas­sage, pre­mier lieu de théâtre.

Mais quel rap­port avec le masque et son pou­voir de trans­for­ma­tion ?

Le masque est miroir, comme il est medi­um pour pass­er de l’autre côté. 

Là où s’enfouit l’essence de ce qui nous con­stitue en tant qu’humain.

« C’est comme si le masque révélait ce qu’est une créa­ture humaine en vérité, comme si elle sor­tait en dehors de la per­son­ne son intim­ité la plus cachée et les faits de sa vie les plus enfouis », nous dit María Zam­brano.

Le masque ne masque pas.
Le masque ne cache pas.
Le masque n’occulte pas.

Miroir de l’âme, le masque vient per­cuter mon moi et faire réson­ner, réveiller et met­tre à nu l’espace de mon intime et la plu­ral­ité des vis­ages, des états, des mon­des, paysages et his­toires qui nous habitent.

Cette « mise à nu » de soi se man­i­feste d’abord par la chair, les mus­cles, les nerfs. Du fait que le masque oblige son por­teur à être à son ser­vice.

Celui ou celle qui pense s’occulter der­rière un masque se trompe et bien­tôt sera effrayé de sen­tir dans sa chair l’effet que le masque provoque.

Théâtre
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Leonor Canales Garcia
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Écrit par Leonor Canales Garcia
Met­teure en scène, comé­di­enne, autrice (com­pag­nie À Petit Pas).Plus d'info
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#140
mai 2025

Les enjeux du masque sur la scène contemporaine

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