En compagnie de Guy Cassiers et Katelijne Damen

Entretien
Théâtre

En compagnie de Guy Cassiers et Katelijne Damen

Le 20 Sep 2021
(c) Vincent Delbrouck
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(c) Vincent Delbrouck
(c) Vincent Delbrouck
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 141 - Images en scène
141

À l’occasion des répéti­tions de Tirésias en mars 2020 et à quelques jours d’un pre­mier con­fine­ment, Guy Cassiers et Katelijne Damen nous accor­dent un entre­tien qui dévoile quelques secrets de leur com­plic­ité au tra­vail.

Chloé Larmet : Katelijne Damen et Guy Cassiers, cela fait main­tenant plus de 10 ans que vous tra­vaillez ensem­ble. Pour­riez-vous me racon­ter la façon dont vous vous êtes ren­con­trés ?

TOUS LES DEUX : Bien plus, près de 15 ans je crois !

GUY : Cela fait 12 ans que nous sommes à Toneel­huis mais on tra­vail­lait déjà ensem­ble au RO Théâtre (le théâtre de la ville de Rot­ter­dam). C’est là-bas que nous nous sommes ren­con­trés. On en par­lait ensem­ble tout à l’heure d’ailleurs en se rap­pelant tout ce qu’on avait fait ensem­ble. Dès le départ, le pre­mier spec­ta­cle était… très spé­cial !

KATELIJNE : C’était fan­tas­tique. Très bizarre quand on y réflé­chit oui. Je me sou­viens, les autres acteurs de la com­pag­nie se demandaient : mais qu’est-ce que c’est ? C’est pas du théâtre ça !

GUY : A l’époque, Pim For­tuyn venait de rem­porter les élec­tions – un homme poli­tique de droite, voire d’extrême-droite. Alors que Rot­ter­dam était très iden­ti­fiée au social­isme, tout a bas­culé en une élec­tion. Le mot social­iste était devenu une insulte ; les artistes, les théâtres, tous étaient qual­i­fiés d’élitistes. Partout, même dans les jour­naux, il y avait con­sen­sus : les artistes sont trop éloignés des spec­ta­teurs. Alors pour ce pre­mier spec­ta­cle qu’on a fait ensem­ble on s’est dit : d’accord, créons le dia­logue et posons vrai­ment la ques­tion : qu’est-ce que sig­ni­fie « éli­tiste » ? On a créé un spec­ta­cle très dif­fi­cile, com­pliqué et on a ouvert les portes. Le deal, c’était : les bil­lets sont gra­tu­its, mais le spec­ta­teur vient en avance et reste après la représen­ta­tion pour par­ler. C’était remar­quable ! La grande salle où nous avons joué pen­dant trois semaines était pleine, les gens venaient et voulaient vrai­ment par­ler ensem­ble de cette ques­tion : qu’est-ce que l’élite ? C’était une expéri­ence excep­tion­nelle parce que le dia­logue et la con­fronta­tion ont vrai­ment changé quelque chose.

CL : Changé quelque chose pour vous ?

GUY : Et pour le spec­ta­teur aus­si. Cer­taines per­son­nes n’étaient jamais entrées dans un théâtre aupar­a­vant, se dis­ant que c’était trop loin de leur tra­vail, de leur pen­sée. Au théâtre, on peut enten­dre le point de vue de l’autre, on peut partager une même expéri­ence, ensem­ble. Ça ne sig­ni­fie pas que tout le monde s’est dit, ça y est, main­tenant on aime le théâtre mais c’est une ques­tion de respect pour l’autre. Je suis con­va­in­cu que chang­er les men­tal­ités est pos­si­ble grâce au théâtre, même si on ne con­naî­tra jamais vrai­ment l’impact que le spec­ta­cle a eu sur chaque spec­ta­teur. C’était pour moi une très belle expéri­ence. C’est ain­si que tout a com­mencé avec Katelijne !

CL : Et depuis vous ne vous êtes qua­si­ment plus quit­tés.

GUY : Et non. Rires

KATELIJNE : C’était la pre­mière fois que je fai­sais un spec­ta­cle avec des caméras, je décou­vrais une autre façon de tra­vailler avec le son. Les caméras et les micros étaient rassem­blés au cen­tre comme une sorte de lus­tre et on pou­vait pren­dre le micro puis le laiss­er. C’était une décou­verte pour moi. Il y a immé­di­ate­ment eu une forme de…

GUY : com­préhen­sion ?

KATELIJNE : Pas seule­ment, il y a autre chose… J’aime beau­coup la manière qu’a Guy de penser dans les images. Même si je n’ai pas tourné beau­coup de films au ciné­ma, j’ai un peu d’expérience en la matière et ce que j’aime beau­coup c’est le flirt avec une caméra et la tech­nique. Savoir que si je me tiens là, je peux jouer de telle ou telle façon avec la caméra, qu’elle fera cela ou ceci. C’est 2 cette com­bi­nai­son, cet agence­ment entre la tech­nique et le jeu que je trou­ve chez Guy. Son théâtre reçoit sou­vent l’étiquette de styl­isé, de sobre, d’abstrait, d’un théâtre qui ne laisse pas beau­coup d’espace au jeu. Je n’ai jamais sen­ti que je ne pou­vais pas jouer avec lui, bien au con­traire ! C’est vrai que c’est un peu lim­ité par­fois (rires) mais pour moi c’est une sorte de défi. Sou­vent, je suis chez moi et j’ai le fan­tasme de me dire : demain, je vais jouer comme si j’étais sur un ter­rain de foot. Le lende­main, j’arrive aux répéti­tions et Guy me dit : tu peux aller de là à là, et c’est tout. Le défi, c’est alors de réus­sir à faire tout ce que j’avais prévu dans mon imag­i­na­tion, de réus­sir à jouer au foot dans les fron­tières de cet espace. C’est très stim­u­lant, pour moi comme pour Guy je crois. Avec le temps, on s’est mis à penser à la même chose en même temps par­fois. C’est très étrange. Je n’ai jamais con­nu ça avec un met­teur en scène.

GUY : Mais en même temps…

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Chloe Larmet
Docteure en Arts du spectacle, Chloé Larmet mène une recherche sur les esthétiques scéniques contemporaines...Plus d'info
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