Jorge León, cinéaste transgenre

Entretien
Théâtre

Jorge León, cinéaste transgenre

Le 19 Juil 2020
Simone Aughterlony dans Mitra, mise en scène et images Jorge León, aux Halles de Schaerbeek lors du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, 2018. Photo Bernard Coutant.
Simone Aughterlony dans Mitra, mise en scène et images Jorge León, aux Halles de Schaerbeek lors du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, 2018. Photo Bernard Coutant.
Simone Aughterlony dans Mitra, mise en scène et images Jorge León, aux Halles de Schaerbeek lors du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, 2018. Photo Bernard Coutant.
Simone Aughterlony dans Mitra, mise en scène et images Jorge León, aux Halles de Schaerbeek lors du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, 2018. Photo Bernard Coutant.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 141 - Images en scène
141

Présen­té au Kun­sten­fes­ti­valde­sarts en 2010, ton pro­jet To Serve sur l’esclavage domes­tique a don­né lieu à un doc­u­men­taire, Vous êtes servis, tourné en Indonésie, et à un spec­ta­cle, Deserve, co-créé avec Simone Augh­ter­lony. Pourquoi ces deux décli­naisons et quel est le lien entre elles ?

Pour To Serve, je souhaitais con­fron­ter la dimen­sion pure­ment doc­u­men­taire de cette prob­lé­ma­tique d’esclavage domes­tique à des fig­ures lit­téraires et théâ­trales, en par­ti­c­uli­er Les Bonnes de Jean Genet. De là est venue l’envie de tra­vailler sur l’espace de la scène, l’idée étant que les spec­ta­teurs aient l’occasion d’assister à la fois au film et au spec­ta­cle très dif­férents l’un de l’autre puisqu’on était aux pris­es avec le réel le plus sen­si­ble dans le film tan­dis que la pièce mon­trait de manière sar­cas­tique notre soumis­sion aux objets ménagers devenus instru­ments de tor­ture. Des images inspirées du film appa­rais­saient dans le spec­ta­cle, mais aucune image filmée n’intervenait directe­ment. J’ai en effet sou­vent des dif­fi­cultés avec l’usage de la vidéo et du ciné­ma sur scène : autant des plas­ti­ciens, comme Pierre Huyghe, Dominique Gon­za­lez-Foer­ster ou Philippe Par­reno – se sont emparés du médi­um ciné­ma pour l’emmener ailleurs, l’interroger en tant que médi­um en ques­tion­nant les codes de la nar­ra­tion, autant l’image ani­mée au théâtre me paraît sou­vent réduite à un élé­ment scéno­graphique, capa­ble de com­mu­ni­quer des choses, de pro­duire des émo­tions, mais pas réelle­ment envis­agée et com­prise dans sa spé­ci­ficité pro­pre.

Quelle est la spé­ci­ficité de l’image ani­mée pour toi ?

C’est le tra­vail sur le temps, la durée, c’est le rap­port évanes­cent à l’image, qui n’apparaît que le temps de la pro­jec­tion, dans l’expérience col­lec­tive d’une salle de ciné­ma. Cette expéri­ence est la même au théâtre mais la présence de l’image filmée dans les spec­ta­cles vient plutôt en com­plé­ment d’autre chose, pas en tant que puis­sance pro­pre. Le ciné­ma, c’est aus­si le tra­vail du hors-champ. On pour­rait dire que le ciné­ma est né du hors-champ puisqu’en cad­rant, on exclut des pans de la réal­ité, on affirme un point de vue. Or sou­vent au théâtre, l’image filmée me sem­ble venir combler le hors-champ du spec­ta­cle. D’où une forme d’inhibition par rap­port au ciné­ma dans mon pro­pre tra­vail scénique.

Par ailleurs, depuis la créa­tion du spec­ta­cle Deserve, j’ai de la peine à penser en ter­mes de ciné­ma pur. Je me sens au théâtre lorsque je filme, c’est-à-dire que je suis au présent de la sit­u­a­tion. Il y a quelque chose de très rit­uel dans le fait d’être là avec une caméra dans des espaces où l’on n’est pas atten­du, quelque chose de l’ordre du sacré que je retrou­ve au théâtre.

N’est-ce pas lié au fait que tu pra­tiques un ciné­ma doc­u­men­taire où tu filmes non pas des scènes fic­tion­nelles pré­parées mais des moments que le réel te donne et qui n’auront lieu qu’une fois ?

Je suis un héri­ti­er du ciné­ma direct mais je filme rarement sur le vif. La plu­part des plans sont le fruit d’un long tra­vail de pré­pa­ra­tion, d’une atten­tion par­ti­c­ulière au cadrage et à la lumière. Et au cœur de cette réal­ité « apprivoisée », il s’agit de rester ouvert au mys­tère du présent qui se déploie face à la caméra.

Entretien
Théâtre
Jorge León
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Écrit par Isabelle Dumont
Actrice, créatrice de spec­ta­cles et de conférences scéniques, chercheuse curieuse, Isabelle Dumont a été interprète notam­ment des spec­ta­cles...Plus d'info
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