Enrique Diaz : parcours d’un artiste multiple

Théâtre
Portrait

Enrique Diaz : parcours d’un artiste multiple

Le 1 Sep 2021
Enrique Diaz lors d’une performance dans les rues de Rio de Janeiro, 2018. Photo : Isabel Muniz.
Enrique Diaz lors d’une performance dans les rues de Rio de Janeiro, 2018. Photo : Isabel Muniz.
Enrique Diaz lors d’une performance dans les rues de Rio de Janeiro, 2018. Photo : Isabel Muniz.
Enrique Diaz lors d’une performance dans les rues de Rio de Janeiro, 2018. Photo : Isabel Muniz.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 143 - Scènes du Brésil
143

Artiste pro­lifique, Enrique Diaz est un met­teur en scène d’une impor­tance cap­i­tale dans le panora­ma des arts de la scène au Brésil. Il a influ­encé toute une généra­tion de jeunes artistes. Sa recon­nais­sance inter­na­tionale s’est affir­mée de façon sen­si­ble depuis plus d’une ving­taine d’années. Il tra­vaille égale­ment en tant qu’acteur au théâtre, au ciné­ma et à la télévi­sion. Man­i­fes­tant un intérêt récur­rent pour le méta­lan­gage, il a mis en scène des adap­ta­tions de textes clas­siques, con­tem­po­rains, lit­téraires et des textes créés à par­tir d’im­pro­vi­sa­tions faites par les acteurs. Mar­quée par la per­for­mance et nour­rie par les avancées tech­nologiques, sa pra­tique demeure cen­trée sur le tra­vail des acteurs, leurs impro­vi­sa­tions et leurs jeux avec les per­son­nages.

Au Brésil, Enrique Diaz a été un des pio­nniers dans l’utilisation de la pro­jec­tion d’im­ages sur scène. D’autres met­teurs en scène con­tem­po­rains brésiliens, comme Ger­ald Thomas, Felipe Hirsch et José Cel­so Mar­tinez Cor­rêa, utilisent ce procédé, mais plus rarement. Nous obser­vons aus­si depuis quelques années les créa­tions de Chris­tiane Jatahy qui dia­loguent avec le lan­gage ciné­matographique. Dans le cas des mis­es en scène d’Enrique Diaz, les pro­jec­tions se font sur une toile blanche en fond de scène. Toute­fois, si la tech­nolo­gie util­isée est presque arti­sanale, les procédés esthé­tiques sont pour leur part très sophis­tiqués. Enrique Diaz s’approprie les procédés médi­a­tiques pour les appli­quer à son théâtre, par exem­ple les con­struc­tions en hyper­lien qui devi­en­nent des pas­sages d’une scène à l’autre à par­tir d’un point de référence, un lien, avec de fréquents retours aux scènes de départ. Ces enchevêtrements créent un effet de mise en abyme qui invite le spec­ta­teur à être co-con­struc­teur du spec­ta­cle. Ces mis­es en abyme brouil­lent les fron­tières de la fic­tion et jet­tent un doute rad­i­cal sur la cohérence d’une vérité absolue, d’une réal­ité unique, ouvrant la voie à d’autres points de vue sur des sphères dif­férentes de la réal­ité.

En obser­vant le par­cours artis­tique d’Enrique Diaz de façon glob­ale, nous relevons trois   phas­es dis­tinctes. Une pre­mière phase coïn­cide avec la créa­tion, avec d’autres amis acteurs, de sa com­pag­nie de théâtre, nom­mée Com­pan­hia dos Atores. Il crée cette com­pag­nie en 1988, à 19 ans, fort d’une car­rière d’acteur déjà intense et pro­duc­tive. Les artistes de la Com­pan­hia dos Atores ont été inspirés par le tra­vail col­lec­tif des com­pag­nies brésili­ennes des années 70. Les artistes de ces com­pag­nies comme Asdrúbal trouxe o Trom­bone, Man­has & Manias, Orn­in­tor­rin­co et Intrép­i­da Trupe se ser­vaient du texte comme d’un objet à décon­stru­ire dans une ten­ta­tive de déval­uer le « texte clas­sique ». Ils impro­vi­saient beau­coup et les tâch­es artis­tiques étaient partagées entre les acteurs. Ils cher­chaient aus­si la dis­so­lu­tion de la divi­sion entre scène et pub­lic. Ces pra­tiques étaient assim­ilées à un « théâtre expéri­men­tal », un « théâtre de recherche col­lec­tive », tout en ten­ant des dis­cours moins directe­ment poli­tiques que les pra­tiques artis­tiques col­lec­tives des années 60 avant le coup d’É­tat de 1964 et la mise en place d’un régime mil­i­taire. La Com­pan­hia dos Atores a été égale­ment influ­encée par le théâtre d’auteur des grands met­teurs en scène brésiliens des années 80 comme Ger­ald Thomas, Moacir Góes, Antunes Fil­ho et José Cel­so Mar­tinez Cor­rêa. À la suite de l’ouverture poli­tique des années 80, le théâtre brésilien a vu éclore le phénomène de la hiérar­chi­sa­tion au sein de la struc­ture des groupes avec la supré­matie de la fonc­tion artis­tique du « met­teur en scène », respon­s­able de la sig­na­ture des spec­ta­cles plus for­mal­istes prô­nant une quête esthé­tique très rigoureuse. Le croise­ment du théâtre avec l’art de la per­for­mance, le ciné­ma et les nou­velles tech­nolo­gies a apporté un saut qual­i­tatif aux paramètres procé­du­raux et esthé­tiques du théâtre des années 80, à tra­vers l’importance don­née aux nou­velles tech­nolo­gies et aux recherch­es sur dif­férentes tech­niques d’en­traîne­ment physique et de for­ma­tion d’acteurs.

La pra­tique artis­tique d’Enrique Diaz au sein de la Com­pan­hia dos Atores a occupé une fron­tière floue, étant à la fois une pra­tique très col­lab­o­ra­tive et cepen­dant cen­trée sur ses déci­sions et son autorité de met­teur en scène. Lors de l’analyse de dif­férentes dynamiques créa­tives à car­ac­tère par­tic­i­patif, José Da Cos­ta, dans Teatro con­tem­porâ­neo no Brasil : cri­ações par­til­hadas e pre­sença1 , recon­naît que cer­tains met­teurs en scène brésiliens, comme Enrique Diaz, exer­cent leur autorité plutôt pour don­ner une ori­en­ta­tion glob­ale au par­cours esthé­tique de la com­pag­nie que pour uni­fi­er les voix dis­so­nantes dans une créa­tion partagée. En ce sens, le tra­vail d’Enrique Diaz comme met­teur en scène con­sis­terait plutôt à être un catal­y­seur de ques­tion­nements esthé­tiques et poli­tiques au sein de la com­pag­nie.

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Écrit par Marcela Moura
Marcela Moura (Mar­ci­lene Lopes de Moura) est doc­teure en études théâ­trales à l’Université fédérale de l’État de Rio...Plus d'info
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