Europe Écologie Les Verts au risque de l’opéra

Opéra
Réflexion

Europe Écologie Les Verts au risque de l’opéra

Le 30 Juin 2021
« Backstage » © Anne Pailhes
« Backstage » © Anne Pailhes
« Backstage » © Anne Pailhes
« Backstage » © Anne Pailhes
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 144-145 - Opéra et écologie(s)
144 – 145

En févri­er dernier, France Cul­ture con­sacrait un numéro de son émis­sion heb­do­madaire Soft Pow­er à la poli­tique cul­turelle menée à Greno­ble sous le man­dat d’Éric Piolle. L’émission – titrée La Vague verte des maires écol­o­gistes est-elle aus­si une vague cul­turelle ? – se présen­tait comme un por­trait à charge : le maire y était notam­ment accusé de rompre avec les poli­tiques cul­turelles héritées de Mal­raux et de Lang, de gou­vern­er sans con­cer­ta­tion avec les parte­naires cul­turels, de se repli­er sur une forme de local­isme, de jouer les pra­tiques ama­teurs con­tre les insti­tu­tions et d’avoir nom­mé une adjointe aux cul­tures igno­rante des dossiers. Com­plétée sur le site de France Cul­ture par un arti­cle du jour­nal­iste Frédéric Mar­tel, cette émis­sion a mis le feu aux poudres et déclenché une vive polémique à pro­pos de la poli­tique cul­turelle d’Europe Écolo­gie Les Verts. En mars, cette polémique s’est éten­due au monde lyrique, lorsque la mairie EELV de Lyon a pris la déci­sion de dimin­uer de 500 000 euros la sub­ven­tion annuelle allouée à son opéra nation­al. En avril, la nou­velle équipe munic­i­pale de Bor­deaux – tou­jours EELV – a mis en place une cam­pagne d’affichage dans le cadre de son Forum de la Cul­ture. Deux affich­es – arbo­rant les ques­tions Artiste, c’est un méti­er ? et La cul­ture, ça coûte trop cher ? – ont été repris­es sur les réseaux soci­aux et perçues comme un coup de poignard par un milieu cul­turel pré­carisé par un an de crise san­i­taire.

L’article que vous lisez a été écrit dans ce con­texte. Il est né du désir de dépass­er les polémiques et autres réac­tions à vif pour ten­ter de cern­er la pen­sée ou les pen­sées qui ani­ment aujourd’hui EELV à pro­pos de la cul­ture en général et de l’opéra en par­ti­c­uli­er. Notre porte d’entrée a été un entre­tien avec San­dra Regol, Secré­taire nationale adjointe, qui a attiré notre atten­tion sur l’une des car­ac­téris­tiques d’EELV : être un par­ti sans doc­trine. Nous avons décidé de la pren­dre au mot : les per­son­nal­ités que nous avons inter­rogées occu­pent des posi­tions var­iées au sein du par­ti : mil­i­tants ou sym­pa­thisants, élus locaux ou nationaux, ils par­ticipent tous à leur niveau et avec leurs moyens à la réflex­ion glob­ale d’EELV. Ils représen­tent cha­cun une couleur d’un nuanci­er idéologique dont nous avons essayé d’appréhender l’amplitude et de saisir la cohérence.

Quelle matrice idéologique ?

Un soupçon d’impréparation

À tra­vers la polémique de Greno­ble est reprochée à l’ensemble d’EELV son inca­pac­ité à dévelop­per une vision cul­turelle. Selon Dim­itri Bout­leux, adjoint au maire de Bor­deaux chargé de la créa­tion et des expres­sions cul­turelles, il s’agit avant tout d’un manque de retour sur expéri­ence : « On ne peut pas point­er éter­nelle­ment du doigt Greno­ble : un seul cas ne suf­fit pas à faire des général­ités. » 

Il est vrai que le suc­cès élec­toral d’EELV est récent : le par­ti a fait de bons scores aux élec­tions européennes de 2019, dans un con­texte où la ques­tion de la crise cli­ma­tique avait été portée sur le devant de la scène – notam­ment par la mil­i­tante sué­doise Gre­ta Thun­berg. La jeunesse rel­a­tive du par­ti, fondé par Les Verts en 2010, rend le reproche d’immaturité facile. Pour Guil­laume Durand, élu EELV à la mairie du 14e arrondisse­ment de Paris, l’absence de man­dats sur ces sujets a longtemps empêché le par­ti de se forg­er une expéri­ence : « On ne va pas se men­tir, la poli­tique cul­turelle n’est pas notre thème de prédilec­tion : tout sim­ple­ment parce que, pen­dant longtemps, nous n’avons pas été à la tête de col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales et que les sujets sur lesquels nous avions des délé­ga­tions, des adjoints, des vice-prési­dents, con­cer­naient rarement la cul­ture. Du reste, nous n’avons jamais exer­cé de man­dat exé­cu­tif nation­al dans ce domaine. Et mal­heureuse­ment, en France, la cul­ture reste une com­pé­tence large­ment nationale. »

Dans un pays où l’Histoire s’écrit en s’appuyant sur de grands mythes nationaux, l’ex-sénatrice EELV Marie-Chris­tine Blandin impute égale­ment ce manque de crédi­bil­ité à l’absence de fig­ures tutélaires : « Les Com­mu­nistes ont Aragon et Jean Fer­rat, les Social­istes, Jack Lang et la Droite se drape dans Mal­raux. Chez EELV, nous n’avons pas d’équivalent. »

La doc­trine en ques­tion

Selon San­dra Regol, Europe Écolo­gie Les Verts a la par­tic­u­lar­ité d’être un par­ti sans doc­trine : com­pren­dre que chaque élu.e dis­pose sur le ter­rain d’une cer­taine lib­erté pour met­tre en actes les idées du par­ti. À Bor­deaux, Dim­itri Bout­leux se sat­is­fait de cet état de fait qui évite, selon lui, de tomber dans une forme de dog­ma­tisme. 

Un point de vue que ne partage pas Jean-Michel Lucas, con­sul­tant en poli­tique cul­turelle : « L’action ne suf­fit pas. Pour lui don­ner un sens poli­tique, il faut se situer par rap­port à un référen­tiel idéologique. » En 2014, il a par­ticipé à la pre­mière cam­pagne munic­i­pale d’Éric Piolle. Il évoque l’actuel maire de Greno­ble et son inten­tion affichée d’en finir avec la poli­tique cul­turelle des années Mal­raux-Lang : « Proclamer la fin d’une his­toire n’a d’intérêt que si l’on en écrit une nou­velle. Je ne partage pas les arti­cles à charge qui sont parus sur Greno­ble : il s’agit d’un bash­ing exces­sif. Pour autant, le par­ti gag­n­erait à adopter une doc­trine claire. »

Opéra
Réflexion
869
Partager
auteur
Écrit par Aurore Aubouin et Simon Hatab
Aurore Aubouin est respon­s­able de pro­duc­tion artis­tique à La Mon­naie (Brux­elles) et con­sul­tante en man­age­ment cul­turel. Simon Hatab est dra­maturge...Plus d'info
Partagez vos réflexions...

Vous aimez nous lire ?

Aidez-nous à continuer l’aventure.

Votre soutien nous permet de poursuivre notre mission : financer nos auteur·ices, numériser nos archives, développer notre plateforme et maintenir notre indépendance éditoriale.
Chaque don compte pour faire vivre cette passion commune du théâtre.
Nous soutenir
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Couverture du numéro 144-145 - Opéra et écologie(s)
#144 – 145
mai 2025

Opéra et écologie(s)

Précédent
30 Juin 2021 — Tout nous ramène à l’écologie Le café colombien que l’on prend le matin en songeant aux petits exploitants d’un pays…

Tout nous ramène à l’écologie Le café colom­bi­en que l’on prend le matin en songeant aux petits exploitants d’un pays d’Amérique latine ; la chemise en coton qui nous fait penser à des petites mains abîmées…

Par Leyli Daryoush
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements