Peux-tu présenter en quelques mots l’asbl Aires Libres ?
Aires Libres est la Fédération professionnelle des arts du cirque, des arts de la rue et des arts forains en Belgique francophone. La spécificité de cette fédération est qu’elle regroupe toute la filière professionnelle, l’ESAC (École supérieure des arts du cirque), les artistes, les technicien·ne·s spécialisé·e·s, les compagnies, les organisateur·rice·s et les agences. Aires Libres est née en 2015, à l’initiative des acteur·rice·s du secteur. Il s’agissait de relancer sous une nouvelle forme la Fédération des artistes de rue, de cirque et forains qui avait été créée au début des années 2000 et avait progressivement été mise en sommeil étant donné le manque de soutien suffisant pour avoir du personnel permanent. Actuellement, nous avons deux cents membres, il s’agit essentiellement de personnes morales.
Notre mission de base est de mettre en réseau nos membres en organisant des activités afin qu’iels se connaissent, se reconnaissent, puissent partager leurs pratiques et mutualiser certaines choses (matériel, compétences, communication, programmations…). Nous avons également une mission d’accompagnement du secteur qui passe par des formations ainsi que des réflexions sur son développement. Pour nous, il est par exemple essentiel que l’espace public soit intégré dans le cursus des formations initiales en théâtre, cirque et danse, mais aussi en gestion culturelle. En effet, que ce soit en technique, en médiation, en production ou en artistique, il y a des savoirs spécifiques à acquérir quand on joue dans la rue. Or la génération précédente est constituée surtout d’autodidactes qui ont du mal à s’institutionnaliser comme profs, la transmission se fait beaucoup entre pairs. C’est pour ça qu’une organisation comme Aires Libres est aussi importante, parce qu’elle permet de rencontrer des personnes ressources.
Le cirque, les arts de la rue comme les arts forains sont des pratiques artistiques très anciennes. On sait par ailleurs que leur développement a été particulièrement important en Belgique dans les années 1990, lors desquelles de nombreuses compagnies contemporaines ont été créées. Pourtant, le secteur n’a été reconnu qu’au début des années 2000. Pourquoi si tard ?
Je pense qu’on est reconnu quand on arrive à se fédérer. Il y a une difficulté à rassembler ces différentes pratiques artistiques. Certain·e·s pensent que le cirque ne devrait pas être avec les arts de la rue et les arts forains, pour iels il s’agit d’un regroupement artificiel. Selon iels, le cirque se développerait plus facilement s’il n’était pas avec les arts de la rue… Pourtant, sur le terrain, je vois bien qu’il y a très peu de compagnies de cirque qui ne font jamais rien d’extérieur et qu’il y a énormément d’échanges entre les disciplines. Elles partagent un rapport au public direct, facilité par un accès et une adresse plus simples, le public a moins peur d’aller voir du cirque ou des arts de la rue que d’entrer dans un théâtre pour voir du théâtre. En même temps, elles souffrent également d’un déficit d’image : les artistes sont vus comme des saltimbanques, le cirque est renvoyé au cirque traditionnel et les spectacles à des spectacles pour enfants.