Karel Vanhaesebrouck, l’expression « arts mineurs », utilisée en français pour désigner les formes que nous étudions dans ce numéro, est problématique. Vous êtes néerlandophone, quel mot utilise-t-on en néerlandais ?
Cette expression d’« arts mineurs » est vraiment très problématique et il est intéressant de l’examiner de près, car elle va droit au cœur des divergences entre Flandre et monde francophone autour de ces formes et de leur ancrage dans la société. En néerlandais, il n’y a pas vraiment de traduction de la notion d’« arts mineurs » ; on va parler de « populaire cultuur » mais ces mots recouvrent un territoire beaucoup plus large, celui de la culture populaire. En fait, pour parler du cirque, de la marionnette et de la création dans l’espace public, on dit toujours « podiumkunsten », les arts de la scène, comme on le fait pour le théâtre, la danse et l’opéra. La culture française a une conception centralisée et donc plus normée, plus hiérarchique, de la culture, et c’est de là que vient cette distinction entre majeur et mineur. En Flandre, on conçoit les différentes formes d’art scénique comme des langages artistiques ouverts et en circulation constante plutôt que des disciplines figées. En Fédération Wallonie-Bruxelles, comme en France, il y a un cloisonnement très fort dans la manière dont les institutions conçoivent les différents langages artistiques, avec des catégories de subsides bien distinctes pour le cirque, le conte, le théâtre-action, etc. Ce cloisonnement renforce une hiérarchie interne : entre la marionnette et le théâtre, ou entre le théâtre pour adultes et le théâtre jeune public, on va tracer des carrières différentes, avec des valeurs symboliques différentes.
Tous ces cloisonnements institutionnels génèrent des systèmes de valeurs hiérarchiques et donc de la violence symbolique.