Cécile Mont-Reynaud : « Mes spectacles pour l’enfance nourrissent ma création pour le tout-public. » 

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Cécile Mont-Reynaud : « Mes spectacles pour l’enfance nourrissent ma création pour le tout-public. » 

Le 9 Juil 2025
Crédit Christophe Raynaud de Lage
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Article publié pour le numéro

Depuis 2012, la direc­trice artis­tique de la com­pag­nie Lunatic, acro­bate aéri­enne, décline sa recherche artis­tique à l’attention de la petite enfance. Elle est aujourd’hui engagée dans la créa­tion d’un trip­tyque qui traite de notre rap­port à l’espace, à la lumière de « l’écologie des lignes » du philosophe Tim Ingold1. Après Entre les lignes, pour l’enfance et tout pub­lic, et Dans les grandes lignes, pour la petite enfance, elle pré­pare une propo­si­tion « tout pub­lic » des­tinée à être jouée en extérieur, Géopoé­tique, qui ver­ra le jour en 2026.  

Quelles par­tic­u­lar­ités implique le fait de créer pour les enfants de moins de 3 ans ?

« Une écri­t­ure dra­maturgique de qual­ité pour les enfants demande aux inter­prètes d’avoir une présence aiguë au plateau. Ce sont les tout-petits qui nous inspirent, car ils sont immé­di­ate­ment dans le présent du moment et dans le jeu. Une qual­ité que nous, adultes, met­tons des années à recon­stru­ire. Lors du proces­sus de créa­tion, il m’est néces­saire de tra­vailler en rési­dence dans une école ou une crèche, au con­tact des enfants. Les inter­ac­tions avec eux pen­dant ces moments d’immersion m’aident à trou­ver des élé­ments fon­da­men­taux du spec­ta­cle tels que le rythme juste et la qual­ité adéquate de mou­ve­ment. »

Quels sont vos points d’appui dans la créa­tion ?

« Ce n’est pas parce qu’un spec­ta­cle s’adresse à de très jeunes enfants qu’il est dépourvu de parole, même s’il est sans mots… Il faut l’étayer par une nour­ri­t­ure intel­lectuelle et des con­nais­sances théoriques solides ; les enfants sont capa­bles de le percevoir ! Depuis 2020, je suis très inspirée par l’anthropologue bri­tan­nique Tim Ingold, qui, en exam­i­nant le motif de la ligne, inter­roge notre manière d’habiter les paysages, d’être en rela­tion les uns avec les autres et d’affirmer une poésie dans nos lieux de vie. Je suis aus­si for­mée au body mind cen­ter­ing, une approche soma­tique qui étudie l’anatomie, en lien avec les étapes de développe­ment du corps humain. Cela m’a aidée à reli­er l’acrobatie au ‘’vocab­u­laire du mou­ve­ment’’, un vocab­u­laire où l’on appréhende le corps dans les trois dimen­sions de l’espace et qui fait par­tie de l’expérience humaine. Ce vocab­u­laire par­le d’autant plus aux enfants qu’eux-mêmes appren­nent avec le corps. » 

Crédit Christophe Raynaud de Lage
Crédit Christophe Ray­naud de Lage
Crédit Christophe Raynaud de Lage
Crédit Christophe Ray­naud de Lage

Cela a‑t-il mod­i­fié votre approche du « tout pub­lic » ?

« Mes spec­ta­cles pour l’enfance nour­ris­sent ma créa­tion de manière générale. Et aujourd’hui, je trans­pose dans des spec­ta­cles ‘’tout pub­lic’’ ce que j’ai appris dans mon expéri­ence avec la petite enfance. J’ai décou­vert, par exem­ple, que le son, qu’il soit émis en temps réel ou dif­fusé de manière spa­tial­isée, peut sus­citer une qual­ité d’écoute cor­porelle chez les spec­ta­teurs. Ou encore que la manip­u­la­tion d’éléments naturels, comme les bam­bous, ren­voie à une expéri­ence uni­verselle et peut con­vo­quer chez ceux qui regar­dent des sen­sa­tions pro­fondes, comme celles du touch­er. En explo­rant le chemin des sen­sa­tions, j’ai appris à m’adresser à une couche pro­fonde de notre con­science, plus intu­itive, liée au corps. C’est ce que je cherche : entr­er en con­tact avec cette sen­si­bil­ité com­mune à tous. »

Pourquoi con­tin­uer à créer pour les bébés ? 

« Le réseau du jeune pub­lic et en par­ti­c­uli­er de la petite enfance est un domaine où je trou­ve un engage­ment esthé­tique autant que poli­tique. C’est, pour moi, la pos­si­bil­ité de m’adresser aus­si à des adultes qui ne vont jamais au spec­ta­cle. Cela me pousse à me deman­der ce que je veux partager avec eux, et ce qu’est, au fond, l’événement de la représen­ta­tion. Dans ce réseau, il y a une lib­erté artis­tique plus grande qu’ailleurs, car les pro­fes­sion­nels ont moins ten­dance à appos­er des éti­quettes sur ce qu’ils voient, et les spec­ta­teurs ont une récep­tion moins for­matée par des a pri­ori. »

  1. Auteur d’Une brève his­toire des lignes, édi­tions Zones sen­si­bles (2011) et édi­tions Points (2024). ↩︎
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Écrit par Naly Gérard
Jour­nal­iste indépen­dante spé­cial­isée dans la cul­ture, en par­ti­c­uli­er dans les arts du spec­ta­cle, depuis une ving­taine d’années. A...Plus d'info
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